mercredi 30 mai 2007

Duong Thu Huong

Mon empressement à signaler la tenue du Festival Etonnants voyageurs m'a conduit à oublier de signaler la présence à Saint Malo de Duong Thu Huong (1948-).

Pourtant, Duong Thu Huong méritait d'être évoquée non seulement pour son œuvre, d'abord reconnue dans son pays le Viêtnam avant d'être particulièrement appréciée chez nous, mais aussi parce qu'elle vient d'obtenir [info LivresHebdo] le Grand Prix des lectrices du magazine Elle 2007 pour la Terre des oublis, publié début 2006 par Sabine Wiespiese Editeur et traduit du vietnamien par Phan Huy Duong.

Ce roman (dont on peut lire un extrait ici) figurait déjà dans la dernière sélection du Fémina du roman étranger, prix que Duong Thu Huong avait déjà obtenu à deux reprises pour Les paradis aveugles (Antoinette Fouque, 1991) et Au-delà des illusions (Philippe Picquier, 1996).

Itinéraire d’enfance (Traduit du vietnamien par Phuong Dang Tran), son dernier ouvrage, est, quant à lui, sorti il y à peine une vingtaine de jours à peine également chez Sabine Wespieser Editeur. Le 21 mai dernier, Stéphane Guibourgé (Le Figaro magazine) saluait la publication de ce « conte autobiographique », d'un article intitulé « Duong Thu Huong, la battante » dont voici un extrait :
« Elle vient d’avoir 60 ans. Vit en France depuis la sortie du magnifique Terre des oublis (Sabine Wespieser Editeur), en janvier 2006. « La nostalgie de mon pays me ronge, mais j’ai la liberté... » Elle vient de terminer un long roman. Elle dit que la littérature est son plaisir. « Aujourd’hui, j’ai le droit de goûter quelque chose pour moi-même. » Lent sourire. « Je suis à la fois heureuse et triste quand je songe à mon existence. J’ai beaucoup vécu pour les autres. Maintenant je pense à moi. Je sais que je suis juste en prenant cette décision. Cependant, je ne sais pas encore exactement ce que je veux. Je suis un animal douloureux, condamné à souffrir. C’est la destinée. »
Comme le signalait en 1998, Phan Huy Duong, traducteur de beaucoup d'œuvres de Duong Thu Huong, le public français a encore beaucoup à découvrir de la littérature vietnamienne :
« Moins de cinquante auteurs vietnamiens sont traduits en français. La plupart sont connus par leurs nouvelles. Sur ce total, ceux dont les romans ou recueils de nouvelles sont traduits ne sont plus qu’une quinzaine. Seule l’écrivain Duong Thu Huong a vu son oeuvre intégralement traduite en français. »
Il en profitait pour signaler quelques unes des difficultés de la traduction en français de la littérature vietnamienne :
« La langue vietnamienne est tellement musicale qu’il y a des centaines de mots pour qualifier une chose quand en français le même mot n’a que deux ou trois synonymes. En vietnamien, le mot traduit un son réel ou des sensations charnelles. Il y a dix-huit sortes de A en vietnamien ! Le français est abstrait quand le vietnamien colle au plus près de la réalité charnelle. »
Livres Hebdo en ligne dans sa même édition du 28/05, nous apprend également que « La tempête [a] contrari[é] l’organisation d'Etonnants Voyageurs » :
« Les puissantes rafales de vent qui ont soufflé sur l’Ille-et-Vilaine dans la nuit de dimanche à lundi n’ont pas épargné les structures d’accueil du festival Etonnants Voyageurs de Saint Malo, [qui a été] interrompu toute la matinée de lundi »,
mais ajoute aussitôt que « les prix échappent à la tempête » et que dimanche, le prix des Gens de mer, doté de 3 000 euros, a été décerné à Philippe Jaworski pour sa nouvelle traduction du Moby-Dick d’Herman Melville (1819-1891) parue à la « Bibliothèque de la Pléiade » (Œuvres, tome III, Gallimard, 2006).

Voilà une bonne invitation à relire cette œuvre, naguère (1941) traduite par Lucien Jacques (1891-1970), Joan Smith et Jean Giono (1895-1970) qui rendaient les premiers mots du premier chapitre :
Call me Ishmael. Some years ago--never mind how long precisely -- having little or no money in my purse, and nothing particular to interest me on shore, I thought I would sail about a little and see the watery part of the world.
ainsi :
Je m'appelle Ishmaël. Mettons. Il y a quelques années, sans préciser davantage, n'ayant plus d'argent ou presque et rien de particulier à faire à terre, l'envie me prit de naviguer encore un peu et de revoir le monde de l'eau.
Philippe Jaworski les traduit, quant à lui, de cette manière :
Appelez-moi Ismaël. Il y quelques années de cela — peu importe combien exactement — comme j'avais la bourse vide, ou presque, et que rien d'intéressant ne me retenait à terre, l'idée me vint de naviguer un peu et de revoir le monde marin.
L'article consacré au roman sur Wikipedia offre un comparatif plus étendu en confrontant ce passage et ces deux traductions à celles de Armel Guern (Sagittaire, 1954 -Phébus, 2005) et Georges Saint-Marnier (Walter Beckers, Kapellen-Anvers, 1967). Bien entendu, il en faut plus pour décider si « le nouveau » dépasse effectivement « l'ancien »; il n'empêche que la distinction reçue par ce nouveau Moby-Dick donne envie de se replonger dans ce Melville-là, comme à chaque sortie d'une nouvelle traduction de son Bartleby The Scrivener (Leyris, Gallimard, 1986 ; J.-Y. Lacroix, Allia, 2004), à moins que vous « préfériez ne pas ». (P.K.)

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