samedi 26 mai 2007

Réponse à la devinette (003)

Contrairement aux précédentes qui avaient laissé de marbre nos quelque 25 à 30 visiteurs quotidiens, cette devinette - la troisième de la série -, a reçu deux commentaires :
  • un d'encouragement à persévérer - « 1000 mercis !, cher anonyme, vos vœux seront exaucés ! » (jusqu'à nouvel ordre).
  • une proposition, qui plus est, juste ! Malheureusement, la gagnante n'a pas révélé son identité : sa modestie l'honore, mais elle se prive ainsi de la récompense prévue pour cet exploit [ce n'était du Mo Yan !], laquelle sera remise en jeu prochainement.
Bravo tout de même, car à la réflexion, ce n'était pas aussi simple que le faible niveau de difficulté indiqué (1/5) le laissait espérer. Jugez-en vous-même en découvrant la réponse.

Le passage était donc de la plume du grand Honoré de Balzac (1799-1850). La référence humoristique à Blois et au Blaisois, théâtre entre autres du Lys dans la vallée (voir notamment ici) et aux rousses (voir ici) pouvait mettre sur la piste. Mais, si le ton et le style étaient, me semble-t-il assez faciles à identifier, trouver l'œuvre exacte restait plus périlleux, d'autant qu'il s'agit bien d'un texte mineur récemment réédité dans :
Honoré de Balzac, Voyage de Paris à Java (1832) suivi d'une lettre de Tristram Nepos, d'une note d'Amédée Pichot et de la Chine et les Chinois (1842). Edition établie, préfacée et annotée par Patrick Maurus. Paris : Actes Sud, « Babel » n° 762, 2006. 173 pages.
L'extrait provient de La Chine et les Chinois (pp. 107-171) qui est la réunion de quatre articles parus entre le 14 et le 18 octobre 1842 dans les numéros 80 à 84 de La législature, journal des deux chambres, politique, commercial, industriel et littéraire créé en 1842 et dont la publication s'interrompit en décembre 1843. Comme l'indique P. Maurus, ce texte est « la longue critique descriptive » de La Chine et les Chinois, dessins exécutés d'après nature par Auguste Borget et lithographies à deux teintes par Eugène Ciceri auquel est associé un texte titré Explication des dessins qui sont en fait des Fragments de Lettres inédites de l'Auteur [Auguste Borget] depuis le jeudi 9 août 1838 jusqu'au 3 octobre de la même année. [Le passage proposé en devinette apparaît au début de la deuxième partie (publiée le 15/10/1842), soit p. 133]

Né en 1808, Auguste Borget meurt en 1877. C'est (dixit P. Maurus) « un des hommes qui comptent dans la vie de Balzac » (p. 109 et suivantes) lequel écrit à son sujet :
« Un Français en Chine ! un artiste ! un observateur !.. Qui est-ce ? Ah ! voilà.. C'est un garçon parti de la contrée la plus immobile et la moins progressive de France, un peintre de paysage né à Issoudun, en plein Berry. Parfois, le hasard se donne la tournure de l'impossible : c'est sa fatuité. Beaucoup de ceux qui me lisent vont s'écrier : - L'auteur n'est pas allé en Chine. Eh ! bien, il faut le dire, le Berry en doute encore, et bien des vieilles femmes y mourront sans vouloir croire qu'un Berrichon ait vu la Chine. » (p. 115)
L'illustration retenue le 16 mai est naturellement de lui, ce que ne cachait aucunement son titre 'Borget.jpg' et qui était un autre indice. Il s'agit d'un dessin au crayon sur papier, intitulé « Scène pour le théâtre de marionnettes – Macao » (1839-1840) qui est conservé à Bourges. Elle renvoie vaguement à un passage des pages 165-166 de La Chine et les Chinois, quand après avoir écrit que « Le premier missionnaire qui y pénétra y a trouvé la tragédie, la comédie, le roman. Voltaire, en imitant l'Orphelin de la Chine, nous a démontré que le théâtre Chinois repose sur les plus grandes idées politiques. La passion du Chinois pour le spectacle est égale à celle du Parisien », Balzac reproduit un passage des lettres de Borget :
« Si la comédie, si sévèrement défendue par nos prêtres, est non seulement tolérée par les bonzes, mais encore ils permettent aux théâtres, qui sont ambulants, de s'établir près des temples. Je vis une troupe dressant des bambous sur la grande esplanade, et bâtissant son théâtre, couvert de nattes, en face de la grande fenêtre ronde du temple, tournant dos à la mer. Les bonzes se tenaient constamment dans la cour du sanctuaire principal, jouissant du spectacle, tandis qu'ils fumaient la pipe. La sing-song, c'est le nom qu'on donne à ces fêtes, dura quinze jours, pendant lesquels l'esplanade offrit le spectacle le plus animé....»
Mais revenons à Balzac. Son intérêt pour la Chine ne commence pas avec le voyage de son ami. L'auteur de La comédie humaine profite de l'occasion pour révéler que « [S]on enfance a été bercée de la Chine et des Chinois par une personne chère qui adorait ce peuple étrange. Aussi, dès l'âge de quinze ans, avais-je lu le Père [Jean-Baptiste] du Halde [(1674-1743)], l'abbé [Jean-Baptiste] Grozier [pour Grosier], qui fut le prédécesseur de Charles Nodier à la Bibliothèque de l'Arsenal, et la plus grande partie des relations plus ou moins mensongères écrites sur la Chine ; enfin, je savais tout ce que l'on peut savoir théoriquement de la Chine. » Plus loin (p. 129), il écrit : « Malgré tous nos efforts et nos grands missionnaires, les pères [Ferdinand] Verbiest [(1623-1688)], [Dominique] Parennin (1665-1741)] et autres, nous ne savons pas encore, grâce à ce caméléonisme, si la Chine est un pays à gouvernement despotique ou à gouvernement constitutionnel, un pays plein de moralité ou un pays de fripons. Aussi, dès que j'appris l'arrivée en Chine d'un garçon sincère, me suis-je écrié : Enfin, nous allons savoir quelque chose ! » Plus loin encore, il s'appuie sur M. [Jean-Pierre] Abel Rémusat (1788-1832) et défend les « professeurs de la Bibliothèque Royale, si injustement soupçonnés de ne pas savoir le chinois » et de poursuivre : « M. A. Borget nous a expliqué cette erreur à l'avantage des mandarins de la rue Richelieu, en nous disant que le chinois parlé ne ressemble pas plus au chinois écrit que le bas-breton ne ressemble au français d'un discours de monsieur [Pierre-Nicolas] Berryer [(1757-1841)] ». (p. 116)

Donc, un conseil : lisez ce petit texte, prétexte à digressions savoureuses, qui, après quelque développements parfois douteux, s'achève sur la constatation qui nous tient toujours en haleine (p. 169-170) « que ce peuple vaut la peine d'être connu, étudié.»

Je reviendrais prochainement (ici ou ailleurs) sur l'apport de Borget à la connaissance de la Chine, mais je ne peux finir ce billet sans noter une des nombreuses perles que nous livre dans ce petit volume le grand Honoré de Balzac, lequel a - vous en conviendrez -, fort belle allure sur le daguerréotype servant d'illustration à ce billet ; il date de la même année (1842) :
« Ce n'est pas d'après sa durée, mais selon la quantité de bonheur qu'elle procure, qu'il faut juger de la vie. » (p. 136).
Bientôt une nouvelle devinette - puisque vous le voulez ! (P.K.)

vendredi 25 mai 2007

A.I.R. 2007


Grâce à Wei Wei, Ying Chen et Hwang Sok-Yong, l'Asie sera représentée aux Assises internationales du roman qui vont se tenir à Lyon du 30 mai au 3 juin 2007.

C'est ce que nous apprend le Monde des Livres co-organisateur avec la Villa Gillet de cet événement qui va réunir « une cinquantaine d'écrivains [et de critiques] en provenance de près de vingt-cinq pays » et qui donnera lieu à la publication d'un ouvrage chez Christian Bourgois, rassemblant l'ensemble des contributions.

Cet événement unique est, nous dit-on, symbolique d'une action envers la littérature :
Le caractère international des Assises témoigne de l'ouverture que nous avons toujours tenté, au Monde des livres, de faire prévaloir. Chaque roman dit quelque chose du monde qui l'entoure et qui l'a porté. A l'inverse, jamais nous n'avons fait nôtre l'interminable polémique sur la supposée médiocrité du roman français par rapport à la masse des romans traduits d'autres langues : d'où qu'elle vienne, la fiction peut être plus ou moins soucieuse de contraintes formelles, plus ou moins portée à l'introspection... elle parle forcément de son temps, d'une réalité donnée et des gens qui l'habitent ou la subissent.
Le programme de ces assises est très riche : il se décompose principalement en lectures et en tables rondes. Voici le détail de celles qui mettent en vedette les trois auteurs précédemment cités [Cette présentation est réalisée à partir des éléments mis en ligne sur le site des Assises. N.B. : ne manquez pas de télécharger les excellentes les "fiches auteurs" en pdf.] :

• Vendredi 1er juin à 21H - Douleurs de l’âme, douleurs du corps
Ying Chen (Chine / Canada) - Robert Dessaix - Benoîte Groult (France) - Robert McLiam Wilson (Irlande du Nord)
Maupassant, Artaud, Guibert... Les récits de la folie et des maladies de l’âme bouleversent nos perceptions du monde. Comment le langage littéraire s’adapte-t-il aux pathologies qui font vaciller la pensée et les corps, qui fragilisent la réalité et la stabilité de nos codes de représentation ?
Ying Chen est née en Chine. Elle écrit en français et vit au Canada. Pour tenter de mettre à distance les douleurs de l’exil, elle écrit son premier roman La mémoire de l’eau (Actes Sud, « Babel », 1996), troublante immersion dans la Chine contemporaine au travers des regards de femmes de plusieurs générations. Son style est à la fois d’une étonnante clarté et d’une profonde complexité, bouleversant temps et sensations. Avec Le Mangeur (Seuil, 2006), son dernier roman, c’est sur la figure du père qu’elle se penche après s’être intéressée à la mère dans L’Ingratitude (Actes Sud, 1996).

Les autres œuvres de Ying Chen en français sont : Quatre mille marches. Un rêve chinois. Seuil (2004) ; Querelle d’un squelette avec son double. Seuil (2003) ; Le champ de la mer. Seuil (2002) ; Immobile. Actes Sud (1998) ; Les Lettres chinoises. Leméac (1993) - Actes Sud « Babel » (1998)

• Samedi 2 juin à 18H30 - Littérature et trauma : entre violence passée et violence présente (première séance)
David Albahari (Canada / Serbie) - André Brink (Afrique du Sud) - Yasmina Khadra (Algérie) - Wei-Wei (Chine)
Comment raconter la violence du réel ? Comment rendre compte de l’indicible ? Les grands traumatismes de l’histoire obligent le roman à inventer des formes et des écritures. Entre témoignage et réalité, urgence et patience, le roman engage la responsabilité de la littérature.
Wei-Wei, née en 1957 dans la province du Guangxi, vit en Angleterre et est l’auteur de trois romans : La Couleur du bonheur (Denoël, 1996 - l'Aube, 2002-2006)), Fleurs de Chine (l’Aube, 2001) et Le Yangtsé sacrifié (Denoël, 2004), écrits en français. Sa vie comme ses romans sont une succession de péripéties et de dénouements inattendus, dans lesquels se croisent une multitude de personnages. Wei Wei nous invite à découvir la Chine, les tumultes, les bouleversements sociaux, politiques et culturels de son histoire, dans un regard plein de lucidité, de compassion et d’humour.

Son dernier ouvrage traduit est Une fille Zhuang, Éditions de l’Aube (2006)

• Dimanche 3 juin à 11H, La Matière Je :
Donald Antrim (USA) - Christine Angot (France) - Philippe Forest (France) - Hwang Sok-Yong (Corée)
La matière JE est une source inépuisable de figures et de formes littéraires. Écriture narcissique ? Parfois, peut-être, mais surtout écriture engagée avec courage dans le partage d’une intimité qui dévoile des fragilités. Mais pourquoi s’exposer ainsi ? Et quelle est la place du lecteur dans ces romans qui côtoient l’autobiographie ? Le Moi n’ouvre-t-il pas aux autres et à l’universel ?
Hwang Sok Yong est né en exil en 1943 en Mandchourie où sa famille s’était réfugiée pour fuir la colonisation japonaise. Pour avoir voulu montrer qu’un rapprochement était possible avec la Corée du Nord communiste, il fut condamné à 7 ans de prison. Très ancrée dans la réalité historique, son oeuvre est d’une vibrante actualité politique. Son dernier roman, à caractère fortement autobiographique, retrace le parcours d’une génération de Coréens portée par l’utopie des idéaux pour lesquels il s’est battu. Il a été adapté au cinéma par Im Fang-Soo.
- Le Vieux jardin. Eun-Jin Jeong et Jacques Batilliot (trad.), Zulma (2005)
- Les Terres étrangères. Arnaud Montigny et Jungsook Kim (trad.), Zulma (2004)
- L’invité. Choi Mikyung et Jean-Noël Juttet (trad.), Zulma (2004)
- L’ombre des armes. Yeong-Hee LIM, Marc Tardieuet et Françoise Nagel (trad.), Zulma (2003)
- Monsieur Han. Jean-Noël Juttet et Mikyung Choi (trad.), Zulma (1997, 2002), 10/18 (2004)
- La route de Sampo. Choi Mikyung et Jean-Noël Juttet (trad.), Zulma (1996), 10/18 (2004)
Compléments :

- 5 juin 2007 : On trouvera des échos des Asssises sur Rue89.com, grâce à Hubert Artus :

-
«A Lyon, des Assises du roman denses et intenses » (ext) : ..."Démarche qui entre opportunément avec celle de la romancière chinoise –vivant à Vancouver- Ying Chen, sensée parler de douleurs de l’exil. Dès le début, refusant d’être une énième fois interrogée comme la Chinoise de Vancouver, elle se lançait, d’une voix faite d’émotion et de silence, dans une ode au langage, dans un touchant exposé de la force intrinsèquement créatrice d’énergie qu’ont les mots lorsqu’ils en viennent à parler de la mort et de la douleur, envisageant les mots comme une "masse du vivant". De sorte qu’elle ne "représente pas mes personnages, [je] les deviens". Et de conclure : "Le véritable contenu du texte n’est pas dans l’histoire, mais dans la mystérieuse combinaison des mots"....
- « Un bon livre doit changer votre vie... une semaine » (ext.) : ... "le samedi a vécu deux tables rondes intitulées « Littérature et trauma: entre violence passée et violence présente ». La première était probablement la séance la plus prisée et la plus attendue des Assises. Et proposait un plateau moderne, chargé en pathos et en poétique : l’Algérien Yasmina Khadra, le Sud-Africain André Brink, la mosaïque David Albahari (Serbe, juif et bosniaque) et la Chinoise Weï-Weï. Les interventions –des auteurs et du public- furent à la hauteur de l’attente poétique, et chaque auteur d’évoquer non seulement son propre sort (chacun ayant un passé chargé en terme de conflits, d’exil forcé, de clandestinité ou de ségrégation) mais aussi l’avenir de son pays.".../... Le Coréen Hwang Sok-Yong, lui, travaille sur une littérature au carrefour de l’autobiographie et du roman. Le premier roman qu’il ait écrit à la première personne est celui qu’il écrivit lorsqu’il sortit de prison (il prit sept ans pour avoir voulu montrer qu’un rapprochement avec la Corée du Nord communiste était possible)."...

- 7 juin 2007 : dans Le Monde des Livres, Alain Beuve-Méry ("Un lieu unique") rapporte des propos de Ying Chen : "Je me suis prise au jeu de cette réflexion sur l'écriture. Et comme je suis moi-même très sérieuse, ce festival m'a tout à fait convenu."

A suivre (P.K.)

jeudi 24 mai 2007

Broken english


Dans le cadre d'un spécial « Etonnants voyageurs », le magazine Télérama propose un article d'Olivier Pascal-Moussellard, intitulé « Les amants de la Tamise » qui présente certains des « Indiens, Jamaïcains, Chinois, [qui] issus d’un passé impérial ou de l'immigration, ont revififié la littérature anglaise. »

Il évoque notamment la jeune chinoise Guo Xiaolu 郭小橹 (1973-) :
Le joli succès rencontré depuis deux mois par la jeune romancière chinoise Xiaolu Guo confirme la pérennité de cette étrange fusion. Xiaolu habite Londres depuis quatre ans seulement. Pour elle, comme pour tant d’immigrés, la ville et la langue forment une seule et même forteresse : on s’y cogne, on s’y perd, on la maudit avant de trouver la clef. A concise Chinese-English Dictionary for lovers, son premier roman « londonien » (Xiaolu en a écrit d’autres en Chine), sonde l’extraordinaire bric-à-brac de sensations – angoisses, bonheurs et frustrations – qu’éprouve la jeune étrangère lâchée dans la gueule de Londres. Un roman d’initiation, une histoire d’amour, de sexe et de mots, qui rappelle parfois L’Attrape-cœurs de J. D. Salinger, un de ses romans favoris.

Une visite s’imposait. Aller chez Mrs. Guo, dans le quartier de Hackney, au nord de Londres, c’est prendre la même baffe que la narratrice, Mrs. Z., quand elle débarque sur les rives de la Tamise. Un air de no man’s land, des vitrines déprimantes, l’image furtive de trois musulmanes voilées de la tête aux pieds devant une boîte de strip-tease, et l’écriteau « Interdit de cracher » (en deux langues) accroché à chaque palier : un monde à part vraiment, un quasi-tiers-monde, à dix stations de métro et des années-lumière du palais de Buckingham. Les huit dictionnaires dispersés dans le salon de Xiaolu ne sont pas de trop pour apprendre à le décrypter et à le raconter : « Au début était le verbe, mais le verbe était tordu ! s’amuse la jeune femme en nous tendant une tasse de thé. Quand je suis arrivée, je n’employais qu’un seul temps, le présent, comme en Chine. Bonjour la confusion. Quant à Londres, je ne le connaissais qu’à travers des classiques, traduits de manière fantaisiste dans mon pays : Oliver Twist ne s’y appelle pas Twist, le texte est nettoyé de tous les jurons… j’ai dû tout reprendre de zéro. » Dur pour l’immigrée, mais passionnant pour l’écrivaine. Son « London », Xiaolu l’a décrit « comme ça venait » : en « broken english » – langue bancale, grammaticalement barbare mais riche d’étranges ful­gurances – que baragouinent les nouveaux immigrants (et qui rendra fou, à n’en pas douter, le traducteur français du livre). En plein dans le mille : A concise Chinese-English Dictionary for lovers se vend comme des petits pains.
On en saura encore plus sur Guo Xiaolu en consultant son site qui propose des textes, des photos, des films et des informations sur elle-même. On y apprend notamment que A Concise Chinese - English Dictionary for Lovers a déjà été traduit en italien [Piccolo Dizionario Cinese - Inglese per Innamorati. C. Capararo (trad.), Gènes, Rizzoli, 2007], et que sont en préparation des traductions en français, allemand, espagnol, finnois et polonais !

Pour l'heure, on peut lire de GUO Xiaolu, La Ville de Pierre, roman écrit en chinois et publié à Shanghai en 2003, traduit par Claude Payen aux Editions P. Picquier (2004) :
« Jiang Corail Rouge vit à Pékin avec son ami au rez-de-chaussée d'un immeuble de vingt-cinq étages. Mais elle ne peut oublier l'époque où elle avait sept ans et habitait Shitouzhen, la Ville de Pierre, un petit port battu par les typhons, dont les pêcheurs étaient des "mendiants de la mer ". Car elle y a enfoui en partant un terrible secret et, dit-elle, "rien ne peut se comparer à l'amour et la haine que j'ai éprouvés là-bas". »
Son prochain ouvrage (dont on peut lire un court extrait ici) sortira chez Random House en 2008. Il a pour titre 20 Fragments of a Ravenous Youth :
« A wounded body is when, after leaving a man you've lived with for three years, you curl up on your side of the bed as if there's still somebody there. That is a wounded body. Habit keeps you giving space to another body, where there is only emptiness. »
Tout un programme. Pour voir la couverture, cliquer ici. (P.K.)

mardi 22 mai 2007

La Corée à l'honneur


La section Corée du Master de Négociation Internationale,
l'Equipe de recherche Littérature Chinoise et Traduction et
l’Association France-Corée
vous invitent

le mardi 29 mai 2007, à 18 h,

à la Conférence-vidéo musicale

Le P’ansori,
du rituel chamanique à l’opéra à une voix


Les arts de la scène en Corée plongent leurs racines dans un passé très lointain.
Le
kut (rituel chamanique) et le p'ansori 판소리 (opéra épique à une voix)
ont survécu à des siècles d'évolution
et sont devenus des « Trésors Nationaux Intangibles »
dont la reconnaissance est désormais internationale.


par le Dr HAN Yumi, enseignante à l'Université de La Rochelle
et Hervé PEJAUDIER, professeur certifié

Cette conférence suivie d'un récital de Kayagum 伽倻琴
(Instrument traditionnel coréen à cordes) par PARK Keun-A

Université de Provence, Salle des Professeurs
29 Av. R. Schuman -13621 Aix en Provence.

Etonnants voyageurs 2007

L'édition 2007 du festival international du livre et du film Etonnants Voyageurs va se tenir à Saint-Malo les 26, 27 et 28 mai. Cette manifestation dont la première édition a eu lieu en 1991 ouvre régulièrement ses portes aux littératures asiatiques et notamment à la littérature chinoise. C'est ainsi qu'en 2006, on pouvait y croiser, entre autres, l'écrivain Mo Yan, et les traducteurs Liliane et Noël Dutrait, ainsi que Jacques Dars.

Cette année, le thème retenu est « À l’heure de la littérature monde », thème qui s'appuie sur un manifeste en faveur d'une « littérature-monde en langue française », dont l'émergence « signe la fin de la “francophonie”, entendue comme l’espace où la France dispenserait ses lumières sur des masses quelque peu enténébrées, pour promouvoir un espace de liberté et d’échanges sur un pied d’égalité ». Ce manifeste, qu'on peut lire ici, a suscité bien des réactions, certaines très mitigées comme celle de Pierre Assouline qui s'achève ainsi : « Nous en dirons donc ce que François Mauriac disait de l’eau de Lourdes : s’il n’est pas certain que cela peut faire du bien, on est sûr au moins que cela ne fera pas de mal. » Ce manifeste a déjà été signé par 45 écrivains dont, l'écrivain d'origine chinoise, auteur à succès de Balzac et la petite tailleuse chinoise, Dai Sijie 戴思杰 (1954-)

Quelque 250 invités sont attendus parmi lesquels des représentants de la nouvelle générations d'auteurs de BD comme la japonaise Keiko Ichiguchi [Née à Osaka, en 1966, auteur de 1945 (Dargaud, 2005), America (Dargaud, 2007) et de Pourquoi les Japonais ont les yeux bridés (Dargaud, 2007)] et le jeune indien, Sarnath Banerjee présenté comme « le premier auteur de bande dessinée de son pays » [Calcutta (Denoël Graphic 2007), Corridor (Denoël Graphic 2006)].

L'Inde qui profite de l'engouement pour sa littérature suscité par le tout récent Salon du Livre de Paris, est également présente avec le journaliste et écrivain Suketu Mehta [Bombay, maximum city (Buchet-Chastel, 2006)], Bulbul Sharma (1952), peintre et écrivain [Mes sacrées tantes (Picquier, 2007), La Colère des aubergines (Picquier,1999)] et Abha Dawesar, dont il a été plusieurs fois question sur ce blog.

Seront également présentes Kim Tran-Nhut (1963) et sa sœur Thanh-Van Tran-Nhut (1962-) dont les œuvres individuelles ou composées à quatre mains semblent avoir trouvé leur public en France (Voir ici, ici ou ici).

Au moment où j'écris ce billet, la liste des invités ne contient pas un seul auteur en provenance de République Populaire de Chine ou de Taiwan, mais deux représentants de poids de la littérature chinoise de langue anglaise.

Tout d'abord, un autre auteur de romans policiers à succès, le Shanghaïen Qiu Xiaolong 裘小龍 qui depuis son installation à Saint Louis (Missouri) où il enseigne à la Washington University, a laissé le chinois pour écrire en anglais. Les amateurs de polars connaissent bien sont œuvre traduite chez Liana Levi [Mort d’une héroïne rouge (2001), Visa pour Shangaï (2003), Encres de Chine (2004), Le très corruptible mandarin (2006), De soie et de sang (2007)].

Preuve de sa notoriété Outre-Atlantique, le 7 avril 2007, il a été choisi par Howard W. French, pour « The Saturday Profile » du New York Times. Voici des extraits de cet article intitulé « For Creator of Inspector Chen, China Is a Tough Case to Crack » :

Shanghai is much more than his hometown. It is his muse, and it has been the one consistent subject of his fiction, the four Inspector Chen detective novels he has written so far, which have sold over 700,000 copies and have been translated into 16 languages, including Chinese. Chinese? Yes, since leaving the country at the age of 35 in 1988 on a Ford Foundation fellowship, Mr. Qiu has written in English instead of his native language. The choice, which today sometimes displeases Chinese authorities, he said, has been forced upon him by circumstances in his own country — from the bloody antidemocracy crackdown at Beijing’s Tiananmen Square in 1989, to the many restrictions on speech, especially anything construed as political speech, that have followed. He was reminded of these restrictions during his current visit home, when he wrote an article in homage of Yang Xianyi, an aging and infirm translator of Chinese classics into English. Mr. Yang became a hero to his generation of intellectuals for his decision to resign from the Communist Party over its handling of the pro-democracy demonstrations at Tiananmen Square. When Mr. Qiu approached Chinese magazines to get it published, they were unfailingly polite but unyielding. “We’re sorry,” he said editors would announce with a smile. “It’s very interesting, but for certain reasons, we’re afraid we can’t publish it.”
Plus loin, concernant son dernier titre When Red is Black, on peut lire :
YEARS later, while visiting his father’s grave, Mr. Qiu received the inspiration for what many readers consider to be his finest work, “When Red Is Black,” which like all his novels is a story about the exploits of Chief Inspector Chen of the Shanghai Police Bureau. In this novel, the detective is looking into the murder of a novelist and former member of the Red Guards. This background enables Mr. Qiu to process his deepest feelings about the fortunes of his family and of his country during the topsy-turvy years of ideological zealotry, as well as what the author considers the abandonment of virtually all values — save for the pursuit of money — that has followed. .../... CENSORS here could be called prescient too, however. They refused to allow the title “When Red Is Black” to be used in the Chinese version of the book, because of its clear ideological connotations. They also would not allow the city in question to be named Shanghai, designating it “City H” instead. If Mr. Qiu’s crime stories all have conclusions, their central character, Inspector Chen, a lover of classical poetry like the author himself, does not. Corruption is a recurrent theme, because “it is everywhere,” Mr. Qiu says. “What is the reason? Is it one-party rule? Is it something deeper in Chinese culture, because a legal culture does not have deep roots? Is it absolute power corrupting absolutely?” “The chief inspector does not have all the answers,” Mr. Qiu says. “Like all Chinese, he is just coming to terms with all that is changing around him.”
Qiu est aussi traducteur. Il a publié des traductions anglaises de poèmes chinois anciens : 100 Poems from Tang and Song Dynasties (Better Link Press, 2006, 231 p.) et Treasury of Chinese Love Poems: In Chinese and English (Hippocrene Books, 2003, 171 p.)

Autre vedette présente à Saint-Malo, l'américaine Tan Amy [Tan Anmei 譚恩美] (1952-), dont la notoriété est encore plus grande que celle de Qiu, si grande, nous dit-on, que l'écrivain a « "figuré" sous sa propre identité dans la série animée Les Simpson ».

On peut découvrir, ou mieux connaître, la vie et l'œuvre de cette fille d'émigrés chinois née aux USA, en visitant les deux sites internet suivants : 1 - il s'agit d'un site créé et entretenu par une admiratrice, Anniina Jokinen & 2 - ce qui pourrait bien être un véritable site personnel [Amy Tan y parle notamment de la maladie dont elle souffre depuis 1999 ], ou en lisant ses ouvrages traduits en français : Le club de la chance (Flammarion, 1992), La femme du dieu du feu (J’ai lu, 1997), L’attrape-fantômes (Robert Laffont, 1999), Les Fantômes de Luling (Robert Laffont, 2003) ou le tout récent Noyade interdite (Buchet-Chastel, 2007).

On peut aussi grâce à FORA.tv : The World is thinking écouter et voir Amy Tan qui parlait tout récemment (14/11/07), et pendant un peu plus d'une heure, de son dernier opus, Saving Fish From Drowning. (Il faut se rendre ici et cliquer sur le bouton "Launch Fora Player").

Le portrait fournit sur le site du festival Etonnants voyageurs nous livre, quant à lui, des informations sur ses activités actuelles :
Actuellement, Amy Tan travaille à un nouveau roman, collabore à l’écriture d’un épisode pilote pour la télévision avec le réalisateur Wayne Wang et le co-scénariste Ron Bass, et écrit avec le compositeur Stewart Wallace le livret de The Bonesetter’s Daughter (Les Fantômes de Luling), qui sera créé en septembre 2008 à l’Opéra de San Francisco. L’autre activité musicale de Amy Tan sur scène se borne au rôle de chanteuse d’appoint, meneuse de rythme dominatrice et second tambourin dans l’orchestre amateur The Rock Bottom Remainders composé d’écrivains, dont Stephen King, Dave Barry et Scott Turow. En dépit de leur talent discutable, leurs concerts annuels ont permis de réunir plus d’un million de dollars pour des programmes d’alphabétisation.
Merci d'avance à tous ceux qui auront la chance de se rendre à Saint-Malo de nous livrer des échos de leurs rencontres et de leurs trouvailles. (P.K.)

dimanche 20 mai 2007

Nouveautés éditoriales (05/07)


Vous avez sans doute remarqué que notre blog n'a pas publié de billet intitulé « Nouveauté(s) éditoriale(s) » depuis celui du 24/03/07. Sans doute, est-ce un manquement de ma part ou une distraction coupable, mais je n'ai rien trouvé concernant directement la littérature qui puisse en justifier la création : je vous présente - le cas échéant -, mes excuses pour le tort commis aux ouvrages non signalés, et mes encouragements à ceux qui voudraient combler ces lacunes ou compléter mes oublis : les portes et les fenêtres de ce blog leurs sont ouvertes.

Ce présent billet réalisé à la mi-temps de ce beau mois de mai s'impose à moi car la Chine se trouve, tout à coup, très présente sur les étals des libraires. Un rapide relevé fait apparaître une cinquantaine d'ouvrages parus ces dernières semaines ! J'en conserve ce qui m'apparaît être le nec plus ultra, savoir une édition revue et augmentée des Origines de la révolution chinoise : 1915-1949. (Lucien Bianco, Paris, Gallimard, « Folio histoire », 2007, 525 pages), Les paysans chinois d'aujourd'hui : trois années d'enquête au coeur de la Chine (Chen Guidi & Chun Tao, Bourin, « Document » , 2007), La Chine et la démocratie (Mireille Delmas-Marty & Pierre-Etienne Will (ed.), Fayard, 2007, 893 pages), La pensée en Chine aujourd'hui (Anne Cheng (ed.), Paris, Gallimard, « Folio/essais », n° 486), dont les sorties ont été dûment saluées dans plusieurs articles de presse. Je n'en dirai pas plus, mais il me semble qu'on peut faire le pari que les deux derniers devraient s'imposer rapidement comme des ouvrages de référence aussi indispensables que l'étude que Lucien Bianco livra pour la première fois en 1967.

Dans cette floraison de saison, la littérature n'est pas oubliée par les éditeurs, bien que, dirions-nous, sa présence se manifeste avec la plus grande modestie.

Notons pour le registre contemporain, la nouvelle édition du Chantier de Mo Yan 莫言, traduit par Chantal Chen-Andro qui voit le jour au Seuil dans la collection « Cadre vert ». M'est avis que l'auteur du Petit précis à l'usage de l'amateur de littérature chinoise contemporaine (Picquier), nous dira très prochainement si la traduction de Zhulu a, ou non, évolué depuis sa sortie initiale en 1993 chez Scanéditions, ce que je suis dans l'impossibilité de faire aujourd'hui.

Pour ce qui est de la littérature de la Chine ancienne, je m'empresse de signaler une autre réédition. Il s'agit d'un volume publié voici 20 ans déjà aux éditions Le Nyctalope (1987) sous le titre Les formes du vent. Paysages chinois en prose. Ce livre au format de poche reprend donc sous ce beau titre, la traduction par Martine Vallette-Hémery de cinquante courts textes en prose classique d'auteurs de différentes époques allant des Dynasties du Nord et du Sud comme Bao Zhao 鮑照 (414-466), à la dernière dynastie avec, notamment, des compositions de Yuan Mei 袁枚 (1716-1797). La plupart des 27 auteurs convoqués sont des inconnus pour le public francophone ; certains pourtant devraient évoquer des souvenirs aux plus assidus : outre Wang Wei 王維 (701-761) [Patrick Carré, Phébus, 2003], Su Shi 蘇軾 (1036-1101) [Jacques Pimpaneau, Picquier, 2003 ; Stéphane Feuillas, Caractères, 2004], Zhang Dai 張岱 (1597-1689) [B. Teboul-Wang, Gallimard, « Connaissance de l'Orient », 1995], Ouyang Xiu 歐陽修 (1007-1072) [Pierre Brière, Cazimi, 1997], on retrouve un des maîtres du genre du « paysage en prose », Yuan Hongdao 袁宏道 (1568-1623) auquel M. Vallette-Hémery avait déjà consacré une étude [Yuan Hongdao (1568-1610). Théorie et pratique littéraires, Collège de France/IHEC, 1982] et un recueil de traductions [Nuages et pierres, Picquier, 1997].

Depuis cette publication, M. Vallette-Hémery n'a cessé d'explorer avec une réussite égale et une remarquable persévérance ce registre très particulier du génie littéraire chinois, ou ses abords immédiats. On lui doit en plus des recueils déjà évoqués, la révélation d'anthologies d'apophtegmes fameux de lettrés de la fin des Ming, comme Hong Zicheng 洪自成 [Propos sur la racine des légumes, 1995], ou du début des Qing comme Zhang Chao 張潮 (1650 - ?) [L’ombre d’un rêve, 1997] toujours au catalogue des éditions Zulma, et plus récemment ceux de Wu Congxian 吳從先 [Vu par la petite fenêtre, 2005] aux Editions Bleu de Chine. N'oublions pas non plus le recueil publié chez Picquier autour des jardins chinois [Les paradis naturels, 2001] et que cette spécialiste de la prose classique ancienne a aussi abordé la littérature moderne avec toujours le même doigté et la justesse de ton (voir ici). On ne peut donc que se réjouir de pouvoir retrouver ce petit volume (180 pages) depuis longtemps indisponible, présenté, cette fois, sous une couverture dont le motif - un canard volant au dessus des roseaux - est emprunté au Vol solitaire du peintre Bian Shoumin 邊壽民 (1684-1752).

Petite mise en garde, néanmoins : il vous faudra sans doute chercher ces Formes du vent quelque part entre les écrits de Krishnamurti et, au mieux, les traductions du Laozi et le Confucius de Jean Lévi (n° 198 de la même collection), sinon fouiner dans le rayon des ouvrages touchant de près ou de loin au vaste champ qui s'étend entre religion et superstition, car les libraires - tout au moins celui chez qui je me suis rendu -, se fiant à l'intitulé de la collection, « Spiritualités vivantes », le détournent de sa destination naturelle : le champ littéraire, où il a sa place à proximité des ouvrages de poésie ----- il faudrait du reste expliquer aux libraires (sauf à ceux de la Librairie Le Phénix (Paris) qui fête ses 40 premières années d'existence, bien entendu) où ranger ces curiosités littéraires, ces « paysages en prose » qui constituent, dixit François Cheng, « un genre majeur dans lequel se sont illustrés les plus grands », et dont un des chefs-d'œuvre est sans doute le Xu Xiake youji 徐霞客游記 [Randonnées aux sites sublimes, Jacques Dars (trad.). Gallimard, « Connaissance de l'Orient », 1993] !

Le second ouvrage que je tiens à signaler aujourd'hui a bien failli m'échapper, car je l'ai d'abord pris pour une nouvelle édition, sous un titre à peine modifié, d'un ouvrage presque aussi ancien que Les formes du vent. Un coup d'œil aux deux couvertures en illustration de ce billet fera, mieux qu'un long discours, comprendre la cause de ma méprise momentanée :
• à gauche : la couverture de la réédition au format de poche de l'ouvrage Les 36 stratagèmes : Traité secret de stratégie chinoise. Traduit par François Kircher. Paris, J.-C. Lattès, 1991. Il s'agit, en l'occurrence, de la présentation retenue en 1995 chez Rivages pour sa collection « Rivages poche » (271 p.).

• à droite : la couverture d'un tout récent volume (portant le n° 572) de la « Petite bibliothèque » de la collection « Rivages poche » des Editions Payot & Rivages. Son titre est : Les 36 stratagèmes. Manuel secret de l'art de la guerre. Traduit du chinois, présenté et commenté par Jean Lévi (287 p.)
On s'y tromperait à moins. On est, du reste, en droit de se demander si la ressemblance n'a pas été sciemment recherchée dans ce but ? Quoi qu'il en soit, la première traduction publiée est dorénavant - et ce depuis 2001 je crois -, éditée par les Editions du Rocher, dans la collection « L'art de la guerre ». On pourra donc comparer cette ancienne édition/traduction/commentaire des fameux Trente-Six Stratagèmes, avec la nouvelle édition/traduction/commentaire qu'en donne 15 ans plus tard l'infatigable et très prolifique Jean Lévi à qui l'on doit de pouvoir lire en français tant de choses et notamment un très percutant Hanfeizi 韓非子 [Le Seuil, « Points/Sagesses », n° 141, 1999], ainsi qu'un Zhuangzi 莊子 intégral [Paris, Encyclopédie des Nuisances, 2006]. C'est un exercice auquel je me livrerai avec délice dès que j'aurai remis la main sur un exemplaire de ce best-seller réalisé sous un pseudonyme qu'il ne m'appartient pas de percer. Pour l'heure, je vais me contenter de citer un court passage de la présentation donnée par Jean Lévi à son dernier opus, lequel me semble promis à un succès équivalent ou même supérieur à celui reçu par le Sunzi bingfa 孫子兵法 qu'il avait réalisé voici sept ans (Sun Tzu, L'art de la guerre. Hachette) :
Les 36 Stratagèmes est un livre mystérieux. Si mystérieux qu'on peut se demander s'il constitue réellement un livre. .../... Le traité des 36 Stratagèmes aujourd'hui en circulation daterait de la fin des Ming ou du début des Qing et émanerait de ce milieu des sociétés secrètes antimandchoues qui fleurirent durant cette période. En fait, si « secret » il y a, il s'agit d'un secret de polichinelle. La plupart des expressions qui servent d'intitulé aux différentes combinaisons constituant la liste des trente-six stratagèmes sont des dictons ou des proverbes archiconnus. Mais ce ne sont pas seulement les intitulés qui ressortissent à un fonds culturel universellement partagé, les illustrations fournies par le commentaire sont elles aussi des poncifs. Rien de mystérieux dans tout cela. De toute façon les véritables recettes secrètes ne se transmettent jamais par écrit, mais oralement de maître à disciple. Car, ainsi que le proclame Tchouang-tseu, le grand philosophe taoïste du IVe siècle avant notre ère : « Ce que n'ont pu transmettre oralement les anciens est bien mort et les livres ne sont que leurs déjections. » (p. 7-8)
Les plus impatients de découvrir ces amusantes « déjections » pourront commencer leur formation sans tarder, par l'exploration online de ce texte grâce à l'excellente excroissance du site de l'Association Française des Professeurs de Chinois (AFPC), le Wengu zhixin 溫故知新 qui propose des classiques chinois en version originale et en traduction. Il fournit un accès au Sanshiliu ji 三十六計 qu'on peut lire avec l'assistance d'un dictionnaire en ligne et deux traductions (française et anglaise) en commençant ici.

Bonne découverte donc, et à un de ces prochains jours pour la confrontation du nouveau avec l'ancien. (P.K.)