jeudi 3 janvier 2008

Xinran à Paris

La sortie prochaine de Miss Chopsticks en français n’est pas une surprise pour les habitués de ce blog (voir ici) : la traduction de Prune Cornet verra le jour sous le titre Baguettes chinoises à la fin du mois de janvier aux Editions Philippe Piquier.

Ce que vous ne saviez pas, et que je viens juste d’apprendre, c’est que l’auteur de ce livre, la journaliste-écrivain (Xue) Xinran 欣然 (1958-), connue en France pour Chinoises (Picquier, 2003) et Funérailles célestes (Picquier, 2005), sera l’hôte de La Librairie Le Phénix (72 boulevard de Sébastopol, 75003 PARIS, 01 42 72 70 31, contact@librairielephenix.fr) le jeudi 10 janvier à 17 heures pour y rencontrer ses lecteurs.

C’est pour moi l’occasion de rendre hommage à cette belle librairie, lien irremplaçable entre l’Asie lointaine et le curieux de ses cultures et de ses littératures, occasion d’autant plus émouvante que cette quasi-institution vient de perdre son fondateur. Monsieur Régis Bergeron, écrivain sensible et d’une gentillesse rare, s’est éteint le 23 novembre 2007. Ce triste évènement a dûment été signalé par Livres Hebdo, le 13/12/07 :
Le fondateur de la librairie Le Phénix (…) Régis Bergeron est décédé fin novembre. Spécialiste du cinéma chinois, auteur (Le cinéma chinois de 1949-1983 à L’Harmattan et Le cinéma chinois de 1984-1997 à l’institut Image) et journaliste (notamment à L’Humanité), il avait inauguré en 1964 la librairie Le Phénix. Installée dans le 3e arrondissement à Paris, elle est spécialisée dans les ouvrages chinois et asiatiques avec une large part en VO. Ayant pris sa retraite en 1984, Régis Bergeron avait cédé sa librairie à Philippe Meyer et Claire Julien qui sont toujours à la tête aujourd’hui de ce véritable foyer de la culture chinoise et asiatique.
Foyer aussi dynamique qu’attentif aux attentes de sa clientèle et qui organise de fréquentes rencontres avec des auteurs venus de l’autre bout du monde ou, comme avec Xinran, simplement de l’autre côté de l’Atlantique. Ne pouvant malheureusement pas me rendre à ce rendez-vous inattendu, je salue chaleureusement ceux qui l’ont rendu possible et vous invite à vous y presser. Mais méfiez-vous, on ne peut sortir du Phénix les mains vides tant ses rayons sont pleins de tentations. Un coup d’œil à son site et notamment à ses catalogues, convaincra les novices de la richesse de son fonds : http://www.librairielephenix.fr/ (P.K.)

Complément du 23/01/08 : Bertrand Mialaret a consacré à Xinran un intéressant article sur Rue89.com : « La romancière Chinoise Xinran démonte les préjugés contre les filles » (voir ici) et Claire Devarrieux dans Libération (voir ici) - « A la baguette » - duquel je retiens ces propos attribués à Xinran : « Je lis chaque jour en chinois, de l’histoire, des essais, de la littérature classique, les auteurs entre 1300 et 1920. Au-delà des années 50, les romans sont manichéens. La Chine évolue à toute vitesse, tout change, la mode, les meubles, la nourriture, ils ne le racontent pas. Il y a des exceptions, Yu Hua, Fan Wu, et Mo Yan, dont la richesse d’évocation, la finesse d’analyse, l’utilisation des verbes met le roman contemporain au niveau de la littérature classique.» (P.K.)

lundi 31 décembre 2007

Nouvelle année

Vous le savez, l'année chinoise - celle du cochon - va courir jusqu'au 6 février 2008 avant de laisser, enfin !, place à celle du rat. Mais, en cette soirée du 31 décembre 2007, est venu le moment de vous adresser les vœux de notre équipe pour la nouvelle année du calendrier grégorien. Or donc, bonne année 2008 ; qu'elle vous soit douce et riche en lectures.

Je forme pour ma part le souhait que ce blog continue à vous aider dans votre exploration des littératures d'Extrême-Orient. Il vous a proposé 118 billets en 2007, soit une moyenne d'un billet tous les trois jours. Ce n'est pas si mal, mais loin de suffire pour rendre compte équitablement de l'activité éditoriale et savante dans le domaine des littératures asiatiques, mieux apprécier ses engouements et ses carences, ses emballements et ses négligences. Il faudrait, aussi, à chaque fois, plus de temps pour mieux rendre compte des progrès et des lacunes dans la traduction littéraire des littératures d'Inde, de Chine, du Japon, de Thaïlande, du Vietnam et de Corée.

Il vous a aussi tenu au courant des activités nombreuses et variées de notre équipe et continuera de le faire avec le même dévouement. Il vous associera à ses projets pour l'année qui commence, notamment la création de sa revue en ligne, l'inauguration de l'Espace de Recherche et de Documentation Gao Xingjian à la Bibliothèque Universitaire de Lettres et Sciences Humaines de l'université de Provence les 2 et 3 avril 2008, pour m'en tenir aux deux premiers rendez-vous majeurs.

Merci à ceux qui ont eu la gentillesse de glisser son adresse - http://jelct.blogspot.com/ - dans leurs liens préférés sur leur site ou leur blog, dans la liste de leurs favoris ou en activant le fil RSS qui les avertit aussitôt d'une nouvelle publication. Un salut amical et complice, enfin, à vous qui avez glissé un commentaire et fait preuve de beaucoup de persévérance et d'abnégation en vous penchant sur les devinettes que je vous propose. La prochaine est déjà prête. Mais, trêve de propos oiseux : bonne année à tous. (P.K.)

dimanche 30 décembre 2007

Réponse à la devinette (009)

Il est grand temps pour moi de vous donner la réponse à notre neuvième devinette. L'auteur à découvrir était Sterne, Laurence Sterne (1713-1768), bien évidemment. Vous auriez été tout aussi nombreux à l'identifier si j'avais choisi n’importe quel autre passage de La vie et les opinions de Tristram Shandy, Gentilhomme que ce début du chapitre XXX du volume VII - l'ensemble en compte neuf qui sont répartis en quatre tomes -, et avais, par exemple, retenu la deuxième moitié du chapitre XXXIX du même volume :
« ----- Et là-dessus je partis au galop pour le collège des Jésuites.
Or il en est chez moi du projet que j'avais d'aller lorgner dans l'Histoire de
Chine en caractères chinois ----- comme de tant d'autres que je pourrais citer, et qui ne frappent l'imagination que de loin ; car à mesure qu'inexorablement j'approchais du but ----- mon sang se refroidissait ----- et, insensiblement, l'empire de ma lubie s'effritait vers un néant si fatal qu'à la fin je n'aurais pas donné un fifrelin pour la voir satisfaite ----------- La vérité m'oblige à dire que le temps m'était compté et que mon cœur avait déjà volé au Tombeau des Amants ----- Je prie le Ciel, fis-je, la main sur le marteau de la porte, que la clef de la bibliothèque ait été égarée ; il n'en fut rien, mais le résultat fut le même ----------
Car tous les JESUITES avaient la colique ----- et s'en allaient à ce point par le bas que, du plus loin que remontaient les souvenirs du plus blanchi sous le harnois d'entre tous les praticiens spécialistes de la courante, jamais on n'en avait connu de telle. »
Voici maintenant les liens pour retrouver les deux passages dans leur belle langue d'origine que Guy Jouvet a si bien su rendre en français dans sa traduction intégrale publiée aux Editions Tristram (Auch) en 2004 (939 pages), respectivement pages 716 à 718 et 734 à 735 : pour le premier passage, voir ici pages 109 à 111 & pour le second, voir ici pages 141à 142.

On pourra aussi comparer avec la traduction de 1946 réalisée par Charles Mauron (Vie et opinions de Tristram Shandy, gentilhomme. Flammarion, « GF », 1982, 633 pages avec une préface, une bibliographie, une chronologie et des notes de Serge Soupel), qui a été malheureusement retenue pour l'agrégation 2007 de lettres modernes, sujet de littérature comparée : « Naissance du roman moderne - Rabelais, Cervantès, Sterne », ce dont s'étaient émus Sylvie Martigny et Jean-Hubert Gaillot, dans Le Monde du 6 octobre 2006 - ce texte est reproduit dans le catalogue 2008 des éditions Tristram qu'ils dirigent.

Pour mémoire [merci Fabula.org], la citation à examiner provenait du chapitre XI du volume II :
« Ecrire, quand on s'en acquitte avec l'habileté que vous ne manquez pas de percevoir dans mon récit, n'est rien d'autre que converser. Aucun homme de bonne compagnie ne s'avisera de tout dire ; ainsi aucun auteur, averti des limites que la décence et le bon goût lui imposent, ne s'avisera de tout penser. »
C’est la traduction de ce passage (ici en gras, en ligne ici) :
« Writing, when properly managed (as you may be sure I think mine is) is but a different name for conversation : As no one, who knows what he is about in good company, would venture to talk all ; -- so no author, who understands the just boundaries of decorum and good breeding, would presume to think all : The truest respect which you can pay to the reader's understanding, is to halve this matter amicably, and leave him something to imagine, in his turn, as well as yourself. »
que Guy Jouvet rend par :
« Ecrire un livre, pour qui sait bien s'y prendre (ce qui est, je crois, mon cas avec le mien, comme vous pouvez le constater vous-même) ne diffère en rien de tenir une conversation, à la nuance de vocabulaire près : quiconque connaît les règles et les usages du monde saura tenir sa langue et se gardera bien de tout dire dans une assemblée choisie ; -------- de même, nul auteur connaissant les bornes exactes que lui fixent la bienséance et le savoir-vivre n'aura l'outrecuidance de tout imaginer, et la plus authentique marque de respect qu'il puisse offrir à l'intelligence de ceux qui le lisent est de tout arranger avec eux à l'amiable, les mettant de part à demi dans son affaire et leur laissant, leur tour venu, autant de quoi faire travailler leur imagination qu'il s'en est déjà accordé pour exercer la sienne. » (p. 168)
C'est un peu comme si l'on devait se pencher sur le Xiyouji 西游記 en se bornant à la traduction de Louis Avenol (Le Seuil, 1957) et en snobant celle qu'André Lévy a livrée à « La Pléiade» (1991) - ce que, cela dit en passant, certains n'ont pas hésité à faire récemment en réunissant des textes représentatifs de la littérature chinoise dans un gros volume !

Bon, souhaitons seulement que l'on puisse disposer rapidement des notes et des commentaires associés à cette traduction remarquable ; ceux qui, en 1998, ont acheté le premier tome réunissant les volumes I et II de cette nouvelle traduction du « Livre des Livres » (« book of books », vol. III, chap. XXXI) (Tristram, 460 pages, dont 230 pages de notes serrées) savent ce que l'abandon du projet initial au profit d'une livraison de la traduction seule en un seul volume leur fait perdre --- cet appareil critique devrait être, un jour, disponible en ligne sur Lekti-ecriture.com.

On y trouvera, n'en doutons pas, des informations sur cette Histoire de Chine en trente volumes et en caractères chinois ! Les plus impatients pourront toujours se jeter - s'ils arrivent à mettre la main dessus -, sur l'article de V. R. Baker, « Sterne and Piganiol de la Force: The Making of Volume VII of Tristram Shandy » (Comparative Literature Studies, 1976, vol. 13, n° 1, pp. 5-14), lequel montre qu'en exploitant Le nouveau voyage de France, avec un itinéraire et des cartes faites exprès qui marquent exactement les routes qu'il faut suivre pour voyager dans toutes les provinces de ce royaume. Ouvrage également utile aux Français et aux étrangers (1724) de Jean-Aymar Piganiol de La Force (1673-1753), Sterne a fait preuve, non seulement d'un irrésistible humour, mais aussi d'imagination créatrice. J'ai rapidement parcouru les pages consacrées à Lyon par Piganiol de la Force dans sa précieuse description disponible sur Gallica2 dans un tirage de 1740 sans en trouver mention. La chasse reste donc ouverte. (P.K.)