vendredi 9 mai 2008

Derniers paragraphes (001)

Voici une nouvelle rubrique pour signaler rapidement des articles disponibles - plus ou moins longtemps et pas toujours gratuitement - sur internet ou sous forme plus traditionnelle, par la mention de leur référence et, sans autre forme de procès, leur dernier paragraphe. La première livraison (001) concerne la littérature chinoise contemporaine et des auteurs et des ouvrages déjà signalés sur ce blog.

Portrait de Yu Hua pris sur son blog.
Yu Hua 余华

Le Monde des livres (08/05/08) propose grâce à Nils C. Ahl
  • un entretien avec Yu Hua à l'occasion de la sortie française de son dernier livre traduit, Brothers (Actes Sud, 2008), « Yu Hua : « J'ai servi la Chine toute crue » : « Brothers est un livre important par son ambition et sa radicalité, Yu Hua le sait. Au moins pour lui. Les livres réinventent parfois les écrivains. « Ce roman-là a fait naître un nouveau Yu Hua. Il y a dix ans, je n'aurais pas osé être aussi libre et aussi sincère. Il m'a fallu beaucoup d'audace pour écrire ce livre. J'ai arrêté d'avoir peur de la manière dont on me lirait. Je n'ai plus cherché à plaire ni à savoir comment bien écrire. Je n'osais pas choquer avant ce livre. Je le faisais malgré moi, parfois. Avec Brothers, on peut croire que j'ai fait exprès de choquer. En vérité, j'ai seulement trouvé un peu de courage pour écrire sans me poser de questions. »
  • et une critique, « Une vie dans le bouillon de l’histoire », qui finit par : « On se souvient de Yu Hua auteur de romans habités et incisifs comme Vivre ! (Le Livre de Poche, 1994) ou Le Vendeur de sang (Actes Sud, 1997). On le découvre aussi habile à décrire le dilemme enfantin entre des bonbons et un amour fraternel qu'à jeter ses personnages dans la gueule de l'histoire. Ecrivain de l'ambition et de la déception sociale, des amours contredites et indirectes, il y a de l'Hemingway chez Yu Hua, certainement, mais aussi du Stendhal. »
Sur Liberation.fr (24 avril 2008), on peut encore lire en ligne l'interview de Yu Hua par Claire Devarrieux - « La Chine est plus riche et la vie plus exagérée que je l’imaginais. Rencontre. Yu Hua évoque «Brothers» et sa vision de la Révolution culturelle » - et la note critique, « Hip hip hip Yu Hua », qui se conclut ainsi : « Brothers est sans doute le plus insolent des livres de Yu Hua. Les slogans maoïstes y sont continuellement détournés (une des prouesses des traducteurs est de l’avoir rendu perceptible en français). L’expérience la plus crue, ou la plus cruelle, est filtrée par le regard d’un garnement généreux. Il y a souvent des enfants dans les histoires de Yu Hua, comme s’il n’avait jamais oublié celui qu’il a été. Tous ses romans racontent que la vie est susceptible de basculer du jour au lendemain, et que c’est arrivé à tous les Chinois de sa connaissance. »


Le Sunday Book Review du New York Times consacre une bonne place de son dernier numéro mis en ligne le 4 mai 2008 (accès gratuit) à la littérature chinoise actuelle et à quatre de ses auteurs les plus marquants :

Wang Anyi 王安忆

A la fin d'un court article intitulé « Miss Shanghai » qui signale de la sortie de The Song of Everlasting Sorrow. A Novel of Shanghai de Wang Anyi récemment traduit par Michael Berry et Susan Chang Egan aux Presses de l'Université Columbia (Columbia University Press, 440 pp.), Francine Prose écrit : « As The Song of Everlasting Sorrow moves toward its violent, melodramatic and distressingly appropriate ending, readers may feel a Proustian nostalgia for the novel’s lost time, a sadness that mirrors the melancholy that haunts Wang Qiyao and pervades the fascinating, mostly vanished longtang of Shanghai. » Chez nous, le roman a été traduit par Y. André et S. Lévêque : Le Chant des regrets éternels (Picquier, 2006). Le site américain propose également le premier chapitre de ce roman dans sa traduction anglaise.


Yan Lianke 閻連科

« Kissing the Cook » est le titre de l'article dans lequel Liesl Schillinger - qu'on peut entendre dans le podcast du 5 mai 2008 - parle du Serve the People ! de Yan Lianke que vient de traduire Julia Lovell (Black Cat/Grove/Atlantic, 217 p.) et dont on peut aussi lire le premier chapitre : « Lucky for Yan Lianke — who, after all, must make his life in a country of contradictions, possibilities and thin skins — we can’t be sure. Two years ago, responding to a blogger who asked him to explain the deeper story behind his banned book The Dream of Ding Village, he said : « I am a person who is almost 50 years old. At this age, I don’t want to argue with anybody anymore. The only thing that I want to do is to write better novels. » He added, « From now on, I will be silent. » As for the deeper meaning of Serve the People!, perhaps Fielding said it best, in the opening words of Joseph Andrews : « Examples work more forcibly on the mind than precepts. »


Jiang Rong 姜戎

C'est avec une référence à Jack London (1876-1916) et à son fameux roman, The Call of the Wild (1903), connu en français sous le titre de L'appel de la forêt (sans doute à revoir) que Pankaj Mishra offre une recension du Wolf Totem de Jiang Rong dont la traduction par Howard Goldblatt vient de sortir chez Penguin Press (527 p.). Son « Call of the Wild » se conclut ainsi : « It seems strange that the Chinese censors missed this indictment of Han imperialism. It’s even more remarkable that a novel so relentlessly gloomy and ponderously didactic has become a huge best seller, second in circulation only to Mao’s little red book. This success may be due, at least in part, to its exhortations to the Chinese to imitate the go-getting spirit of the West. However, Wolf Totem also captures a widespread Chinese anxiety about their country’s growing physical and moral squalor as millions abandon the countryside in search of a middle-class lifestyle that cannot be environmentally sustained. The novel’s literary claims are shaky; and Jiang Rong’s apparent wish to transform China’s national character through a benign conservationism is compromised by his boy-scoutish arguments for toughness. Yet few books about today’s China can match Wolf Totem as a guide to the troubled self-images of so many of its people as they stumble, grappling with some inconvenient truths of their own, into modernity. »


Mo Yan 莫言

Pour Mo Yan, c'est le grand sinologue Jonathan Spence (1936-) [voir sa biographie sur le site de l'American Historical Association par le regretté Frederic E. Wakeman Jr. (1938-2006)], professeur d'histoire moderne de la Chine à l'université de Yale et auteur de tant d’admirables livres dont le dernier en date est Return to Dragon Mountain: Memories of a Late Ming man (Viking Books, 2007, 352 p.) consacré à Zhang Dai 張岱 (1597-1689) qui intervient. On apprend du reste que « Spence remarked in a recent telephone conversation, he feels « at home with Mo Yan’s literary rendering of complex political and social shifts. » The appearance of “novels of this quality, » he added, « suggests that freedoms are being claimed in fiction that are still taboo in political writing. »

L'ouvrage sur lequel il se penche est la traduction que Howard Goldblatt (encore lui !) vient de publier chez Arcade sous le titre : Life and Death are wearing me out (540 p.). Le dernier paragraphe constitue une excellente conclusion à cette revue de presse. Le voici : « The kind of critique that we find in this book has many echoes within China today. In his new novel, Wolf Totem, Jiang Rong includes a ferocious account of the battle between a starving wolf pack and a herd of wild horses that seems tightly geared to showing the value of older ways of living in the steppe, in contrast with the ultimately disastrous values insisted on by the Party. Mo Yan has his own version of such a battle in his account of the donkeys’ struggle against the wolves near the collective farm. Yan Lianke’s Serve the People! gives a common soldier and his mistress, the wife of the division commander, a summer of passionate lovemaking, culminating in a wild and randy spree in which they smash all the once-treasured artifacts and memorabilia of Mao Zedong and his outmoded, pointless policies. Such antipolitical passion also surfaces in many of the sexual entanglements Mo Yan describes in Life and Death Are Wearing Me Out. It seems that novels in China are coming into their own, that new freedoms of expression are being claimed by their authors. Mao has become a handy villain. One wonders how much longer his successors will be immune from similar treatment. »

Pour achever cette revue de presse, je vous rappelle que la revue Impur dont le numéro 2 est annoncé pour septembre sera consacrée à la Chine et attend toujours des propositions. (P.K.)

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