samedi 12 avril 2008

Réponse à la devinette (012)

Pages 62 et 63 de La Chine dans un miroir par Claude Roy,
(Lausanne : La Guilde du livre, 1953) :
Un artiste de grand renom avait peint quatre dragons sur un mur.
Rien ne manquait aux dragons, ils avaient quatre-vingt et une vertèbres, assemblées neuf par neuf, chiffre très bénéfique. Ils avaient de longues moustaches de feu de chaque côté de la gueule, et sur le sommet de la tête le poh shan, sans lequel ils ne pourraient voler dans les cieux.
Mais le peintre avait omis de terminer les yeux de ses dragons.
On lui demanda pourquoi cette omission.

Il soupira : - Vous l'aurez donc voulu, dit-il.

Prenant un pinceau, il traça les yeux des monstres,
qui aussitôt hérissèrent leur
poh shan,
s'envolèrent du mur, franchirent la fenêtre,
et disparurent dans le ciel.
You Ti [Yu Ti 于逖, attribution],
Wen Chi Lu
[Wenqilu 聞奇錄] ou
Collection de récits moraux et merveilleux (vers 723).



Une fois de plus, force est de constater que mes devinettes ne vous résistent pas longtemps ; à nouveau, j'ai eu la preuve de votre extraordinaire réactivité et votre admirable pugnacité --- les « votre », cette fois encore, concernent deux personnes que je salue et remercie chaleureusement de participer à ce jeu qui ne fait rien gagner, savoir Françoise P. et Liliane D.. Grâce à la première, on apprit rapidement, que l'auteur à identifier pour cette douzième devinette, n'était pas né en 1922, ni mort en 2007, que ce n'était pas Jean Chesneaux, mais qu'il était « né la même année qu’un secrétaire général du PCC qui succomba à un infarctus en 1989 » ; grâce à la seconde, qui avait trouvé la solution mais avait sagement tenu sa langue, on apprit dans la foulée que c'était « un écrivain (et poète) mort la même année que Deng Xiaoping 鄧小平, soit en 1997 à l'âge de 92 ans », ce qui permit à la première de trouver la solution et de fournir les initiales d'un « C. R. né la même année que Hu Yaobang 胡耀邦 soit en 1915 », le 15 avril pour être précis. Au terme de cette belle collaboration virtuelle, je n'ai plus grand chose à ajouter sinon que le « C » correspond à Claude et le « R » à Roy, et que l'auteur mystère était donc Claude Roy (1915-1997).

Je me désole de pouvoir vous présenter l'œuvre de ce grand maître des lettres françaises, j'en suis bien incapable ; du reste, La Nouvelle Revue française dans son n° 545, lui avait consacré en juin 1998, un dossier. A défaut, la notice Wikipedia remplira cette lacune avec en plus d'une rapide biographie et d'un choix de citations dont celle-ci : « Lorsqu'on a perdu toutes ses illusions, il reste encore à perdre l'illusion suprême qui est de se croire sans illusions. », un inventaire presque complet des ouvrages publiés : aux côtés d'une dizaine d'écrits autobiographiques, mémoires et « livres de bord » parus entre 1969 et 1997, on trouve deux pièces de théâtre, une dizaine de livres pour enfants, quelque sept romans, pas moins de douze recueils de poésie, dont Le voleur de poèmes : Chine, 250 poèmes dérobés du chinois (Mercure de France, 1991), une bonne vingtaine d'essais dont une évocation inspirée d'un grand poète chinois - L’ami qui venait de l’an mil, Su Dongpo 1037-1101 (Gallimard, 1993) -, et une demi-douzaine d'ouvrages documentaires dont trois consacrés à la Chine : le superbe La Chine dans un miroir (La Guilde du Livre, 1952), Clefs pour la Chine (Gallimard, 1953) et Sur la Chine (Gallimard, 1979, « Idées » n° 419) duquel provenait le prétexte à la devinette ; le passage cité était tiré des « Voyageurs de Chine » (Le Nouvel Observateur, 21 août 1972), dans lequel Claude Roy revenait sur ses Clefs pour la Chine et vantait la clairvoyance de Simon Leys - « un des plus grands sinologues contemporains » - pour Les Habits neufs du président Mao (1971) et Le Monde chinois - « livre souverain » - de Jacques Gernet sorti l'année précédente.


De ce recueil d'articles écrits entre 1953 et 1979, Simon Leys écrivit qu'il constituait « sans doute un des plus efficaces contrepoids à tous les mammouths de bêtise qui sur le même sujet n'en finissent pas, depuis un bon quart de siècle, d'étirer leurs pondéreuses caravanes sur les rayons des librairies » et voyait en lui « un antidote contre les poisons de demain », ajoutant cette mise en garde qui n'a pas perdu de son utilité : « Les charlatans et les escrocs que Roy brocardait ont survécu fort convenablement à leur périssable pacotille (...). Vous entendrez encore parler d'eux ; la prochaine fois sachez les reconnaître. » (p. 687) [ce compte rendu virtuose a été reproduit dans La forêt en feu (1983), je le cite d'après le volume Essais sur la Chine (Laffont, « Bouquins », 1998, p. 685-687).

Le recueil réserve aussi bien d'autres bonnes surprises, comme avec « Pour l'enseignement du chinois en sixième » (pp. 78-82), texte militant qui n'a pas pris une ride :
« Contente d'elle-même, bouffie de suffisance, l'Europe se rabâche, ses écoles fabriquent de tristes héritiers bègues, qui répètent en bêlant : « Nos ancêtres les Romains, nos ancêtres les Hellènes, nos ancêtres les Hébreux, grand-père César, grand-père Napoléon. » Si on ouvrait un peu les fenêtres ? L'enseignement obligatoire du chinois, dont ce sera mon honneur que d'avoir été le premier à le réclamer, ouvrira enfin les esprits de nos fils sur un autre air, une autre terre, un autre continent de l'aventure d'exister. Un autre monde, et fraternel. » (3 février 1969)
Si le Claude Roy fin et sensible observateur de la Chine mérite encore toute notre attention et notre admiration, c'est celui qui aimait passionnément la culture chinoise je prends plaisir à relire, notamment quand il parle de Pu Songling (« Une clef des songes du peuple chinois » (pp. 64-77), préface à l'anthologie de traduction par Hélène Chatelain de contes de Pu Songling 蒲松齡 évoquée il y a peu, où ce texte portait un autre titre : « Pou, le lettré merveilleux »), de poésie chinoise et de sa traduction dans ce recueil avec « Sur la traduction des poètes chinois » (1977, Sur la Chine, pp. 101-112), ou dans sa préface à Amour et politique dans la Chine ancienne. cent poèmes de Li Shangyin (812-858) (Paris, 1995) d'Yves Hervouet (1921-1999) : « Il s'agit de rendre claire une poésie souvent hermétique sans faire s'évaporer la magie de sa nuit, d'être exact et presque littéral sans gaucherie ni rudesse, et d'emprunter au chinois un poème chinois pour nous rendre un poème français de même aloi » (p. III) ; ou ailleurs - il me souvient, je crois, d'un Trésor de la poésie chinoise (1967) dans une réédition de 1980, mais pas du nom de la personne à qui je l'ai prêté. Dans une des dernières, sinon la dernière, interview de lui (Pascale Frey, Lire, février 1995), Claude Roy parlait encore de sa dette vis-à-vis de la poésie chinoise : « Les poètes chinois m'ont amené à m'intéresser à la Chine, à devenir maoïste puis à déchanter, ils ont influencé mon style. »

Que dire de plus, sinon espérer que les textes de Claude Roy sur la Chine soient un jour réunis dans un volume facilement accessible, et pas seulement pour ceux pour qui ils ont déjà joué leur rôle de stimulant et à qui ils ont « inoculé l'esprit chinois », mais aussi pour tous les autres ? Il ne faudrait pas oublier d'y inclure « Réalismes et cercueils volants » écrit vraisemblablement en 1986 pour le Festival d'Automne, dont voici un court et savoureux extrait :
« Ce qui rend si attirante la Chine, c'est d'abord, en effet, qu'elle est la plus ancienne des grandes civilisations vivantes. L'Égypte, Sumer ont disparu. La Rome antique est ensevelie sous les monuments de la Rome chrétienne. La Grèce a, hélas, connu la longue fracture de l'occupation turque. L'Afrique et l'Islam ont été bien davantage que la Chine atteints par la colonisation. Et cette grande civilisation est pour les nôtres un repère, un étalon de mesure, une référence inépuisable. Ce que nous enseignent le commerce de la Chine, les œuvres de son passé et les hommes de son présent, de son histoire et de sa vie quotidienne, c'est à distinguer ce qui, dans une culture, dans une façon de penser et de vivre, est véritablement universel, et ce qui est accessoire, adventice et superficiel. En grossissant un peu les choses, j'ai envie de dire que la Chine c'est le pays où l'on constate que les Chinois ne font rien comme nous, et l'on finit par être persuadé qu'ils sont hommes absolument comme nous. Rien de plus différent de nous que ces étranges étrangers. Mais les différences mêmes font ressortir à quel point ils sont nos semblables. Ce qui est très intéressant et enrichissant, quand on va en Chine ou que la Chine vient à nous, c'est de rencontrer des prochains avec lesquels il y a juste ce qu'il faut de distance et de différences pour nous enrichir. Le charme du prochain, qu'il s'agisse d'un individu ou d'une civilisation, c'est qu'il ne soit justement pas trop proche, qu'il ait quelque chose d'autre à nous donner et à nous apprendre. Il est agréable et utile qu'autrui soit un autre. Les Chinois sont indubitablement nos parents, mais merveilleusement autres. »
Et vous, comment vous protégez-vous de l'avalanche des livres d'experts ès Chine qui sortent à la veille des JO de Pékin ? (P.K.)

mercredi 9 avril 2008

Comme des frères

De Yu Hua 余华 (1960-), vous avez peut-être déjà lu, sinon Un monde évanoui (Picquier, 1988, traduction Nadine Perront), au moins Vivre ! (1992, trad. Yang Ping : Le Livre de poche, 1994 ; Babel, 2008), le Huozhe 活着 adapté au cinéma par Zhang Yimou 張藝謀 et primé au Festival de Cannes en 1994, ou alors un de ses écrits parus chez Actes Sud ces douze dernières années, comme Le Vendeur de sang (1996, trad. Nadine Perront), ou ceux traduits par Jacqueline Guyvallet, pour la collection « Lettres chinoises » de cet éditeur : Un amour classique (2000), Cris dans la bruine (2003) et 1986 (2006).

Vous allez pouvoir continuer votre découverte de l’œuvre de l’un des écrivains contemporains chinois les plus marquants grâce au même éditeur, et lire dans notre langue et traduit du chinois par Isabelle Rabut et Angel Pino, Xiongdi 兄弟 Brothers (2005 & 2006, Shanghai wenyi).

A l'occasion de la sortie de

les éditions Actes sud et la Librairie Le Phénix
proposent, une rencontre avec l'auteur,
le mercredi 16 avril à 18 heures
72 boulevard de Sébastopol, 75003 Paris
[01 42 72 70 31, contact@librairielephenix.fr].


En attendant, je vous invite à consulter le blog que Yu Hua alimenta sur Blog.sina.com jusqu'au 11 octobre 2007 et à explorer les ressources fournies par Sina.com sur l'auteur et son œuvre. Gageons que l’un d’entre nous vous donnera, très prochainement !, son sentiment sur l’œuvre et sa traduction. (P.K.)


Complément du 17/04/08
: En attendant un compte-rendu maison, ne manquez pas l'intéressant article/interview de Bertrand Mialaret sur Rue89.com, « "Brothers" de Yu Hua, la Chine de la Révo Cul' aux dérives capitalistes » (17/04/08, 16h01).

Complément du 22/05/08 : A lire sur Bibliobs.com l'interview de Yu Hua par Ursula Gauthier : « La Chine se déchaîne », Le Nouvel Observateur du 08/05/08.

mardi 8 avril 2008

Une pensée en spirale

Laozi par Zhang Lu (c. 1464-1538)

Il y a exactement dix ans, je commençais un court compte-rendu de L’histoire de la pensée chinoise (Paris : Le Seuil, 1997, 658 p.) d’Anne Cheng par ce paragraphe : « Ceux qui, poussés soit par la simple curiosité, soit par la nécessité, voulaient se faire une idée de la façon dont on pense depuis trois mille ans en Chine, devaient, jusqu’à présent, se rabattre sur les pages que les grandes encyclopédies avaient consacrées à ce sujet ou se satisfaire d’un volume de la collection « Que sais-je ? » (PUF, n° 707) paru voici plus d’un quart de siècle maladroitement appelé La philosophie chinoise (Max Kaltenmark, 1972), voire lire la version « très abrégée » du Précis d’histoire de la philosophie chinoise de Fung Youlan [Feng Youlan 馮友蘭 (1895-1990] (Mail, 1985). Dorénavant, ils pourront sans l’ombre d’une réticence satisfaire leur soif de connaissances avec cet excellent ouvrage. En effet, il rend un service inestimable à ceux qui n’ont pas la patience de se forger une idée sur tous les courants de pensée et les esprits qui ont marqué la riche histoire de la civilisation chinoise, au contact de mille et une études rédigées pour une bonne part en anglais, en japonais et en chinois. »

Depuis, je n’ai cessé d’inscrire ce livre en bonne place dans les bibliographies que j’ai eu à établir quelle que soit leur destination tant il me semble indispensable, unique, irremplaçable, de la même manière que l’est pour l’histoire de la Chine, Le monde chinois de Jacques Gernet (Colin, (1972) 1999 ; Pocket, « Agora », 2006). Son passage dans un format de poche (Seuil, « Points/Essais », n° 488, 2002) le rendait encore plus incontournable. Depuis un an déjà, je prescris en plus un volume codirigé par son auteur et Jean-Philippe de Tonnac pour la collection « Folio essais ». Publié sous le titre La pensée en Chine aujourd’hui (Gallimard, 2007, 478 p.), c’est un utile complément à la grande œuvre d’Anne Cheng, laquelle, sans doute parce que magistrale, rebute beaucoup d’étudiants et de curieux de la Chine ; combien d’entre eux ont avoué avoir peiné sur certains chapitres et rêvé de disposer d’un ouvrage manifestant une aussi grande exigence dans ses choix et ses avis, mais plus facile d’accès. Bref, ils attendaient cet ouvrage de vulgarisation sinologique de qualité que ce domaine passionnant n’avait pas encore reçu, faute sans doute aux éditeurs qui ne s’en soucient guère, et, aussi, d’avoir trouvé celui qui prendrait le risque de relever ce redoutable défi.


Leur désir vient d’être exaucé par Nicolas Zufferey qui fait paraître chez Marabout (Hachette livre, 2008, 287 p.) l’ouvrage qu’ils attendaient : Introduction à la pensée chinoise (Zhongguo siwei rumen 中國思維入門). « Pour mieux comprendre la Chine du XXIe siècle », la formule inscrite sur la couverture, indique bien le projet dont les écueils sont clairement exposés dans une introduction dont voici le début :
« Présenter un domaine aussi riche que la pensée chinoise constitue un enjeu de taille et un défi passionnant : c’est susciter l’intérêt du lecteur occidental en lui dévoilant la profondeur et la complexité d’une tradition souvent méconnue et encore victime de clichés, c’est lui donner des repères pour explorer un univers autre et lui fournir des clés pour approcher ce qui paraît inaccessible, c’est enfin trouver un juste milieu entre une vision moderne, qui parfois fausse les perspectives, et une vision traditionnelle, qui néglige l’importance de cette philosophie pour le monde d’aujourd’hui. Car connaître la pensée chinoise ancienne, c’est aussi mieux comprendre la Chine du XXIe siècle. » (p. 13)

A ceux qui s’interrogeraient encore sur le choix du terme le plus approprié pour parler de cette expérience de l’esprit sans équivalent, l’auteur répond dans un chapitre fort convaincant intitulé « Pensée ou philosophie ? » , qu’on peut lire comme une mise au point avec ceux qui ont instrumentalisée la pensée chinoise et l’on pliée, sous les hourras de la critique béate, à des visées personnelles. L’auteur, pour sa part, a trouvé le juste équilibre entre les deux attitudes qu’il énonce et dénonce, savoir « l’appropriation paresseuse » et « l’exotisme superficiel » (p. 27). Une fois le terrain et l’attitude clairement définis, Nicolas Zufferey développe son approche de cette « pensée autre mais accessible » (id.) en douze chapitres aux titres parlants :
  • Les notions fondamentales : aux origines de la culture chinoise. (Chap. 2)
  • Confucius, conservateur ou révolutionnaire ? (Chap. 3)
  • Le confucianisme : un héritage, une tradition, une invention. (Chap. 4)
  • Mozi et les écoles moïstes. (Chap. 5)
  • La diversité du taoïsme. (Chap. 6)
  • Le légisme, une théorie d’Etat. (Chap. 7)
  • La dynastie Han : la synthèse ? (Chap. 8)
  • Le néotaoïsme et le taoïsme religieux. (Chap. 9)
  • Le bouddhisme, philosophie et religion. (Chap. 10)
  • Penser en poésie et en peinture. (Chap. 11)
  • Le néoconfucianisme, ou comment refonder la tradition. (Chap. 12)
  • La grande confrontation avec l’Occident. (Chap. 13)
Tous ces thèmes sont traités avec maîtrise et attention dans des exposés plus ou moins longs, finement détaillés et habilement structurés, qui plus est, couchés dans un style volontairement limpide, soucieux de ne laisser personne de côté, et renforcés par des encadrés rendant aisée la mémorisation des connaissances qu’il convient d’acquérir chemin faisant pour aboutir au terme de quelque 250 pages passionnantes à accepter la conclusion comme une évidence : « Etudier la pensée chinoise ancienne, c’est se donner les moyens de faire la part des choses entre la réalité historique et la propagande. »

Beaucoup de passages traduits des œuvres majeures de la pensée chinoise viennent illustrer le propos ; traductions inédites ou anciennes de l’auteur - on se rappelle que Nicolas Zufferey avait révélé Wang Chong 王充 (27-97 ?) au public francophone : Discussions critiques, Gallimard, « Connaissance de l’Orient », 1997) -, ou empruntées aux meilleures traductions disponibles dans notre langue, tel quel ou parfois judicieusement corrigées, dans tous les cas précisément référencées.

On sait gré non seulement à l’éditeur d’avoir su compresser le prix de ce volume pour le mettre à la portée de toutes les bourses, mais aussi à l’auteur de l’avoir pourvu des caractères chinois indispensables lorsqu’on aborde un tel sujet et de l’avoir augmenté d’annexes qui comprennent outre d’utiles repères chronologiques (pp. 252-254), une bibliographie (pp. 256-266) se limitant sagement aux titres incontournables, qui plus est, les situant le cas échéant d’un bref commentaire, et deux index, un des notions et un des noms propres.

Si cette Introduction semble bien s’adresser d’abord à des étudiants en sinologie – Nicolas Zufferey est professeur de langue et de civilisation chinoises à l’université de Genève -, elle rendra aussi d’incommensurables services aux autres et également à ceux qui sont chargés d'enseigner la culture chinoise ; tous doivent, dors et déjà, une éternelle reconnaissance au digne disciple de Jean-François Billeter qui avait montré la voie : exigence intellectuelle sans concession et attention farouche à ne laisser personne sur la touche.

Dans un Mémoire sur les études chinoises à Genève et ailleurs (1998), ce dernier écrivait : « Quel que soit le cours que suivra l’histoire dans les dix ou vingt prochaines années, il serait bon que le public européen connaisse mieux la Chine, qu’il comble une partie de son retard en la matière. Les Chinois instruits en savent beaucoup plus long sur l’Europe, ses mœurs et son histoire que les Européens cultivés n’en savent sur la Chine, et pour le moment ce déséquilibre va croissant. Il sera encore plus accusé lorsque des dizaines de milliers de Chinois ayant fait des études en Europe et aux Etats-Unis depuis 1980 exerceront des responsabilités dans leur pays. Ils tiendront les Européens pour ignares, et le feront avec raison si les choses ne changent pas. » (p. 78)

Il n'y a plus de temps à perdre, donc, pour suivre le guide et découvrir avec curiosité et passion « une pensée qui procède en spirale » selon l’expression utilisée par Anne Cheng (1997, p. 34) citée par Nicolas Zufferey (p. 32). Quel projet plus stimulant peut-on nourrir quand, si souvent encore, on constate que l’Occident et la Chine sont incapables de se comprendre. (P.K.)