samedi 8 novembre 2008

Week-end Fu ...

... ou, pour filer la private joke, W.-E. ふ.

Les moments de détente étant rares, ils sont précieux. En conséquence, il convient de ne pas se tromper dans le choix des films (pour ceux qui aiment encore ce genre moribond), les eXpo[sition]s, les balades et les livres à inscrire au programme de week-ends toujours trop courts. Je vous laisse vous débrouiller pour le reste, mais pour les livres, je me permets d'intervenir pour vous conseiller une lecture. Il s'agit, ni plus ni moins, de la suite des aventures de Fu Manchu dont je vous avais déjà vanté les qualités, celles du texte comme celles de la traduction d'Anne-Sylvie Homassel.

Si vous avez aimé Le Mystérieux Docteur Fu Manchu que les Editions Zulma avaient publié en janvier 2008, vous allez adorer

On y retrouve sous la belle couverture de David Pearson, le souffle mystérieux et haletant qui a fait le succès de la série de Sax Rohmer (1883-1959) lors de sa sortie au tout début du XXe siècle (1913 et 1916). La traductrice a encore fait des prouesses pour ressusciter un feuilleton à rebondissements que les précédentes traductions avaient pour le moins terni. En lui redonnant toute sa vigueur sans ruiner son irrésistible humour, elle en sert admirablement l'esprit et nous plonge d'emblée dans l'action. Voyez, si après avoir lu le passage suivant, vous pouvez résister longtemps au charme de l'écriture de Sax Rohmer et à l'attraction du docteur Fu Manchu :
« Imaginez-vous donc un individu long, maigre, félin, les épaules hautes ; donnez-lui le front de Shakespeare et le visage de Satan, un crâne soigneusement rasé et des yeux verts - verts comme ceux des chats. Mettez à sa disposition toute la cruauté d'un vaste peuple de l'Asie, concentrée en un esprit géant, toutes les ressources de la science du passé et du présent et peut-être bien toute la fortune d'un riche gouvernement - même si celui-ci nie complètement l'existence de cet individu. Cet être effroyable, le voyez-vous en esprit ? Eh bien, je vous présente le Dr Fu Manchu, le péril jaune incarné en un seul individu. »
Reposé l’ouvrage, on se demande avec angoisse combien de temps on va devoir attendre avant l’arrivée dans nos librairies de L'Ombre du docteur Fu Manchu, troisième épisode du cycle fu-manchien et promesse d'un nouveau week-end absolument Fu. (P.K.)

vendredi 7 novembre 2008

Babel-UP

« Fifty to ninety percent of the world's languages
are predicted to disappear in the next century,
many with little or no significant documentation.
»

Cette constatation, particulièrement effrayante, est à la base du Rosetta Project qui est « a global collaboration of language specialists and native speakers working to build a publicly accessible digital library of human languages. Since becoming a National Science Digital Library collection in 2004, the Rosetta Archive has more than doubled its collection size, now serving nearly 100,000 pages of material documenting over 2,500 languages—the largest resource of its kind on the Net. »

Je vous invite à prendre la mesure de ce projet grandiose en consultant rosettaproject.org et en suivant ses progrès sur le blog de The Long Now Foundation qui y revient dans un billet du 3 novembre 02008 dans lequel il est fait état des dernières nouvelles concernant


Ce court préambule pour signaler aux étudiants et aux enseignants de notre université qu'un projet de mise en commun des langues est en train de prendre forme et que certaines activités sont d'ores et déjà programmées.
Je me contenterai ici de proposer des fragments des documents et des annonces concernant ce projet qui a pour nom

BabeL1
Son coordinateur est Médéric Gasquet-Cyrus
(Département de Linguistique et Phonétique générales)

BabeL1 s'inscrit dans le cadre du projet d'université « Rompre l’isolement » qui vise à renforcer le lien social entre les étudiants notamment ceux qui sont en première année de licence, d'où le L1 de l'intitulé :
Dans ce cadre, le Département de Linguistique et Phonétique Générales, avec les départements d’espagnol et d’anglais, propose un projet destiné à renforcer la communication et la vie universitaire à travers la mise en valeur des langues et de leurs dimensions culturelles. L’intention générale est de mettre en avant la dimension plurilingue de l’Université de Provence, telle qu’elle a été rendue visible par un récent dossier de l’UP : Les langues à l’Université. Un plurilinguisme présent à travers les 45 langues enseignées à Aix (2e offre après Paris), mais aussi à travers les langues et variétés dialectales parlées par tous les étudiants.

Il s’agira donc de faire voir ou entendre un maximum de langues. Plus précisément, l’accent sera mis sur la manière dont les langues permettent d’exprimer une certaine sociabilité, une manière d’être ensemble. A ce titre, il serait intéressant de collecter, dans le plus grand nombre de langues possible, des façons de se saluer et de souhaiter la bienvenue, des mots, des expressions, des dictons, des chansons ou des extraits poétiques évoquant la rencontre, l’empathie, etc.

Concrètement, les étudiants intéressés, soutenus par les enseignants motivés, mettront en œuvre des actions pour laisser voir/entendre ce plurilinguisme, notamment au cours de la journée festive du mardi 2 décembre 2008 sur le thème de la rencontre, point d’orgue du premier volet du projet « Rompre l’isolement ».

Ce jour-là, le grand hall sera investi par des étudiants de nombreux départements qui présenteront de la musique, de la danse, du théâtre, des ateliers de traduction, des expos photos, des sports, des émissions radio, etc.
Une première réunion a permis de définir les pistes de travail suivantes.
  • Textes à trouver, à afficher et à traduire dans le plus grand nombre de langues / dialectes / variétés possibles : « Bienvenue », « - Salut, ça va ? - Oui, et toi/vous ? », « Merci », « A bientôt ». Expressions, proverbes, dictons, extraits de chansons, de poésies… Jeux de mots, virelangues (style « Les chaussettes de l’archiduchesse… »)
  • Traductions : signalétique (grand hall, accueil, étages, amphi, secrétariat, bibliothèque, WC, etc.), atelier de traduction (en concertation avec l’atelier concerné), atelier Langue des Signes, traduire les activités qui se dérouleront le 2 décembre 2008 dans le grand hall : théâtre, danse, traduction, langue des signes, sports, musique, atelier de gestion du stress, etc.
  • Sonorisation : diffusion de messages (mots, expressions, dialogues, chansons…) dans un grand nombre de langues dans le grand hall, possibilité de fournir des sons à RadioLab pour qu’elle fasse des mixages des sons.
Les dates des prochaines réunions ont déjà été fixées :
  • lundi 17/11 de 12h30 à 13h45, amphi Guyon
  • lundi 24/11 de 12h30 à 13h45, amphi Guyon
Les enseignants et étudiants intéressés doivent prendre contact au plus vite avec
Médéric Gasquet-Cyrus (mederic.gasquet-cyrus@univ-provence.fr)

mercredi 5 novembre 2008

Devinette (017)

Trouver une devinette qui résistera à Google devient de plus en plus difficile. En vous proposant le texte suivant pour objet de réflexion, je ne suis pas assuré d'avoir mis la main sur un ouvrage ayant échappé à une 'pdf-ification' à grande échelle des sources tombées dans le domaine public. Si c'est effectivement le cas, l'identification de l'auteur (et de la provenance) du texte suivant risque de vous poser quelques difficultés -- juste rétribution de mes efforts pour vous amuser :
Personne n'ignore la campagne bruyante menée par la presse pendant la fin de l'année 1913, en faveur du Confucéisme. Les dissertations succèdent aux dissertations dans le but d'obtenir que le Confucéisme soit proclamé comme religion d'Etat. Les arguments invoqués sont très pauvres, mais la passion des lutteurs décuple leur audace, il s'agit en effet de concentrer dans les mains des lettrés toutes les forces universitaires pour opprimer à leur guise toute idée contraire à la leur ; c'est avant tout un combat acharné contre l'influence des étrangers en Chine. Ces gens-là ressemblent à leurs aînés, ils veulent la liberté mais pour eux seuls, le Confucéisme est pour eux un moyen d'exclure des charges publiques et de l'enseignement quiconque refusera de plier le genou devant l'idole. Le Confucéisme n'est pas une religion, ce n'est qu'une école en littérature, une secte des partisans à outrance de l'antiquité et des traditions des anciennes dynasties chinoises.
En janvier 1917, par neuf voix de majorité, l'Assemblée nationale vient de décréter que le Confucéisme ne sera point établi comme religion d'Etat. La liberté des cultes est sanctionnée. Cette décision, si elle est maintenue, serait un gage de paix et de concorde. Sommes-nous à l'abri d'un retour offensif ? Ce qu'il y a de certain c'est que le bloc des Lettrés n'a pas désarmé.
Après réflexion, je pense que j'aurai peut-être dû me contenter de vous demander de traduire le talisman/indice retenu en illustration. N.B. que celui-ci traite le délire : « Quand le malade parle sans en avoir conscience, dès qu'on s'aperçoit du désordre de ses facultés mentales, on colle ce talisman sur sa poitrine, ou on l'épingle sur ses habits. S'il peut encore absorber du liquide, on lui donne à boire une potion contenant la cendre du talisman. » Vous pouvez dès lors affronter cette 17ème devinette dont la réponse viendra, en son temps, récompenser vos efforts. (P.K.)

mardi 4 novembre 2008

Kǔmutonèla et cetera

Avant tout, je tiens à remercier Vincent Durand Dastès (INALCO) dont l'ouvrage La Conversion de l'Orient : une pérégrination didactique de Bodhidharma dans un roman chinois du XVIIe siècle (Leuwen : Peeters / Bruxelles : Institut Belge des Hautes Etudes Chinoises, coll."Mélanges chinois et bouddhiques" n° XXIX, 2008, X-437p.) vient de sortir, de m'avoir signalé l'existence de ce sympathique projet mené depuis la Bibliothèque Universitaire des langues et civilisations (BULAC) de l'INALCO qui porte le titre de

La page d'accueil du site qui permet d'en feuilleter les premières pages le présente ainsi :
Le Dictionnaire des Intraduisibles est un projet, ouvert à tous, qui vise à célébrer de manière ludique la diversité des langues. Chaque personne peut proposer un ou plusieurs mots choisis dans sa langue de prédilection et qui, pour des raisons culturelles, résistent à l'exercice de la traduction. Chaque mot doit faire l'objet d'un article éclairant la singularité de ce mot. Attention ! Ces articles ne sont pas destinés à des scientifiques mais à un public plus large, simples lecteurs curieux des cultures du monde. Les textes doivent donc être imaginés comme des invitations au voyage ; il est essentiel de les rédiger avec un esprit de jubilation, sans jargon technique.
La procédure pour participer est simple et clairement expliquée. Au terme d'un processus de mise en ligne des articles, ceux-ci seront publiés sous le titre de Dictionnaire des Intraduisibles. L'ouvrage sortira en librairie à l'automne 2010.

Voici, afin de stimuler des vocations, deux exemples de mots intraduisibles qu'on pourra y trouver :
  • Celui-ci, publié le mercredi 22 octobre 2008, a été proposé par Annie Montaut, professeur de hindi et de linguistique générale à l’INALCO et traductrice :
Tout le monde voit ce que c’est mais personne ne parvient à le traduire. C’est en tout cas un terme dont le sens est loin de s’épuiser dans « illusion » et ses connotations négatives.
Māyā préside à la construction du monde contingent, celui-là même où l’homme est amené à exercer sa tâche d’homme (dût-elle consister à transcender māyā). Il est cela même dont les artistes refusent de se détourner car māyā conditionne la création artistique (par opposition à la trajectoire mystique, qui prêche volontiers le détournement par rapport à māyā)...
  • Celui-ci, mardi 28 octobre 2008, a été proposé par Marcel Courthiade, maître de conférences à l'INALCO :
Faire comme une fourmi qui tourne dans tous les coins pour rapporter des provisions à la maison.
Kǔmutonèla i kiri kaj naj la muj, na o manuś ! / « Même la fourmi qui n'a pas de bouche (qui est un animal) elle "kǔmutone", à plus forte raison l'homme ! »
A vous de jouer : qui n'a pas dans son enfer personnel quelqu'intraduit ? (P.K.)