mardi 24 mars 2009

Devinette (019)

(Au Sankeien 三溪園 - Yokohama, 2004 - PK)

Pour la deuxième devinette depuis le début de cette année, j'ai retenu un texte qui parle du Japon – il s'agit, notez-le, d'une traduction :
Chaque fois que vous avez regardé quelque chose, une force mystérieuse vous contraint à l'acheter, à moins que, comme il arrive souvent, le vendeur souriant vous ayant invité à inspecter tant de variétés d'un seul article (dont chacun est particulièrement désirable), vous ne vous enfuyez saisi de terreur devant vos propres impulsions. Le boutiquier ne vous demande jamais d'acheter, mais ses marchandises sont enchantées, et si vous vous laissez tenter, vous êtes perdu ! Le prix modeste des articles vous induit à la ruine, car le nombre d'objets artistiques peu coûteux est inépuisable. Le plus grand navire traversant le Pacifique ne saurait contenir tout ce que vous désirez acheter. Car bien que vous ne vous avouiez pas la chose à vous-même, ce que vous désirez vraiment acheter, ce n'est pas le contenu du magasin : vous désirez la boutique et le boutiquier, et les rues de magasins avec leurs amusantes draperies et leurs habitants pittoresques, la ville tout entière, la baie et les montagnes qui la ceinturent, l'ensorcellement blanc du Fuji-Yama surplombant le tout dans un ciel sans nuages – le Japon tout entier, en vérité, avec ses arbres magiques et son atmosphère lumineuse, avec toutes ses îles, ses villes, ses temples, et ses quarante millions d'êtres les plus aimables de l'univers. Il me revient à l'esprit certaine phrase que j'entendis prononcer par un Américain pragmatique en apprenant qu'un grand incendie avait eu lieu au Japon : « Oh ! Ces gens-là peuvent se payer des incendies : leurs maisons sont bâties à si peu de frais ! » Il est vrai que les frêles maisonnettes en bois des gens du peuple peuvent être très rapidement reconstruites à fort peu de frais, mais on ne peut remplacer tout ce qui les embellit à l'intérieur, et chaque incendie est une véritable catastrophe artistique. Car ce pays est celui d'une variété infinie d'objets faits à la main ; la machine n'a pas encore réussi à introduire la monotonie et la laideur utilitaire dans la production à bon marché – sauf lorsqu'une demande de l'étranger exige des objets de mauvais goût pour des marchés vulgaires. Ainsi chaque objet créé par un artiste ou un artisan japonais diffère encore de tous les autres de la même fabrication. Et chaque fois qu'un bel objet périt par le feu, c'est un objet représentant une idée individuelle qui disparaît.
Il faut, je vous le rappelle, identifier l'auteur de ces lignes et accessoirement l'ouvrage dont est tiré l'extrait. Bonne chance. Résultats et tableau d'honneur, le 1 avril ! (P.K.)

(Cliché pris à Tokyo le 27/08/07, PK)

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Les "quarante millions d'êtres les plus aimables de l'univers" sont un indice précieux qui nous permet de savoir que le texte dont nous cherchons l'auteur a été écrit aux alentours des années 1900. Dans ces conditions, un nom s'impose d'emblée, mais comme je ne voudrais pas vendre la mèche, je me contenterai de dire que notre auteur est d'origine gréco-irlandaise et porte le même prénom qu'un personnage d'une célèbre "sotie" d'André Gide, mais je crains d'en avoir déjà trop dit.

Quant au titre original de l'ouvrage en question (trouvé après quelques recherches sur www.gutenberg.org), je le traduirais par "Coups d'oeil sur un Japon méconnu".

Je ne pense pas avoir volé ma place au tableau d'honneur, pour une fois !

Cordialement,

Alain Rousseau

Pierre Kaser a dit…

Cher Alain Rousseau, vous avez vu juste et prouvé que vous êtes aussi à l'aise avec les fantômes de l'irrésistible Yuan Mei, qu'avec ceux de notre inconnu. Merci d'avoir gardé le secret ; vous avez, bien naturellement, obtenu le prix d'excellence, celui de la courtoisie, aussi. (P.K.)