vendredi 8 mai 2009

Enfer et BEFEO

Edition Ming (Yeshidetang 業世德堂) du Xiugu chunrong 繡谷春容,
Taiwan [國立故宮博物院圖書文獻處].

Ce billet est – autant vous prévenir à l'avance – , une sorte de complément à « Enfer chinois (02) » qui présentait, vous vous en souvenez peut-être, une collection de textes romanesques érotiques de la période impériale luxueusement éditée à Taiwan sous le nom de « Siwuxue huibao » 思無邪匯寶. Il va, en plus, impliquer le B.E.F.E.O. d'une façon bien coupable dans une rapide présentation de matériaux de recherche sur un segment brûlant de la littérature romanesque chinoise en langue vulgaire. Mais commençons par ce qui fut le début d'une séance de navigation sur internet riche en trouvailles, savoir un article paru voici 40 ans dans le Bulletin de l'Ecole Française d'Extrême-Orient :
« Le Bulletin de l’École française d’Extrême-Orient (BEFEO) est une revue à comité de lecture qui publie annuellement des travaux scientifiques d’un haut niveau d’érudition, rédigés en français ou en anglais, portant sur l’Asie - principalement comprise de l’Inde au Japon - dans tous les domaines des sciences humaines et sociales. C’est l’une des revues les plus anciennes et renommées au plan international dans le champ des études asiatiques. Dès ses débuts en 1901, le BEFEO a accueilli des textes signés par les plus grands savants occidentaux travaillant sur les civilisations asiatiques. Depuis les années 1970, la revue s’est résolument ouverte aux sciences sociales et à l’histoire contemporaine, tout en maintenant ses domaines d’excellence : l’histoire de l’art, l’archéologie, la philologie, l’histoire ancienne, l’ethnographie, etc. Outre une importante section de recensions d’ouvrages, le BEFEO comprend une partie de chroniques qui fait part des activités des membres de l’EFEO et rend compte de certaines manifestations scientifiques majeures. »
Le BEFEO est depuis le premier numéro publié par les Editions Adrien Maisonneuve, une des plus anciennes maisons d'édition orientaliste en France. Le catalogue de cette maison fondée à Paris en 1838, mais toujours très active, vaut d'être consulté. Il offre non seulement un choix très vaste de revues savantes, mais aussi, pour qui en a les moyens, de bien beaux ouvrages anciens, et notamment la série complète des 80 premiers volumes du BEFEO. Vous pouvez aussi commander au détail les numéros anciens [sauf les tomes I (1901) à XLIII (1955) et le tome XLV/1 (1960), épuisés] jusqu'au n° 93 (2006) – le n° 94 (2007) devrait voir le jour très prochainement.

Mais, curieux du contenu de cette prestigieuse publication de l'Ecole Française d'Extrême-Orient (EFEO), vous pouvez préférer l'accès en ligne désormais possible sur le portail de revues scientifiques Persée : ici. On peut, en effet, dorénavant consulter gratuitement et avec une grande facilité d'utilisation, les 107 numéros publiés entre 1901 et 2003. Ainsi sans le moindre effort physique ou financier, on peut explorer de plusieurs manières et en toute quiétude ce fonds d'une richesse exceptionnelle ; on peut, qui plus est, télécharger au format pdf les articles de son choix. Persée offre ainsi beaucoup plus et beaucoup mieux que Gallica (BNF) qui n'avait inscrit que 23 volumes du BEFEO à son catalogue [savoir les numéros 1 à 11, 14, 16, 17, 19, 20, 26, 28, 33, 34, 37 et 38]. Il convient donc d'inscrire de toute urgence l'adresse de l'accès direct au catalogue BEFEO sur Persée dans la liste de vos liens privilégiés : celle de votre navigateur préféré ou mieux votre liste personnelle Delicious, comme je le fis le 5 novembre dernier. Pour les derniers volumes, il vous faudra, mais doit-on s'en plaindre, vous rendre dans votre bibliothèque préférée.

Or donc, revenons à notre article quadragénaire dont le souvenir m'est revenu l'autre jour en préparant le billet « Traduire l'humour sans plus attendre ». La page ad hoc chargée, il ne m'a pas fallu plus de deux 20 secondes pour y accéder : une recherche, avec les options « Dans cette revue » - « Dans tous les champs » et les mots « André Lévy » et « chantefable » m'a permis de retrouver bien plus rapidement que si j'avais tenté de remettre la main sur le tiré-à-part dont je m'étais rendu acquéreur voici les lustres, l'article suivant :

André Lévy, « Un texte burlesque du XVIe siècle dans le style de la chantefable », Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient, 1969, n° 1, pp. 119-124.

Démonstration était à nouveau faite de la supériorité de l'outil informatique sur la mémoire humaine ; ne me restait plus qu'à activer mon cerveau pour lire cette plaisante présentation documentée du Fengliu lequ 風流樂趣 (Plaisir d'amour ou Gaudriole sur la joie d'amour) qui s'achève sur ces mots : « Ces brèves remarques rendent bien imparfaitement compte de ce texte curieux, mais nous espérons qu'elles auront suffi à montrer qu'il mérite quelque attention et que sa traduction exigerait un tour de force délicat dans tous les sens du terme. Qu'il ne nous soit pas tenu rigueur d'y avoir renoncé et d'en laisser le soin à meilleure compétence ! »

Cette une conclusion m'a donné une fiévreuse envie de lire ce court texte d'à peine 1600 caractères qui pourrait bien être « le plus ancien écrit érotique ou pornographique en vernaculaire qui nous soit parvenu » ; je me retrouvais donc devant un nouveau défi, le trouver.

Certes, il m'aurait sans doute suffit de feuilleter le Guose tianxiang 國色天香 (préfacé en 1587) qui le reproduit en toute fin de son dernier juan. Mais, là encore, j'ai assez vite renoncé à retrouver les deux volumes de la série « Zhongguo huaben daxi » 中國話本大系 de la maison d'édition de Nankin, Jiangsu guji 江蘇古籍, qui le proposait avec le Xiugu chunrong 繡谷春容 --- j'en profite pour lancer un vibrant appel à celui ou celle à qui j'ai bien pu prêter ce livre en deux tomes acheté, il m'en souvient, à Suzhou voici une bonne dizaine d'années !

Une nouvelle fois, internet est venu à mon secours. D'abord, un rapide coup d'œil sur l'inventaire des romans proposés par le site Kaifang wenxue 開放文學, m'a bien vite rassuré. Le Guose tianxiang y est bien présent dans une ultime rubrique fourretout et mon texte en queue du 10ème juan de ce curieux leishu 類書 publié en 1597. L'affaire était presque dans le sac. Un acquis de conscience me fit élargir la recherche qui offrait en définitive bien d'autres alternatives dont la plus fructueuse est celle qui me conduisit, via la page consacrée au Fengliu qule, à une base de données encore inconnue de moi.

Heureux et surpris de trouver un éventail aussi large de textes romanesques chinois du registre dont l'objet de ma quête serait l'ancêtre le plus ancien, je ne pouvais pas garder cette information pour moi plus longtemps ! Je laisse donc à plus tard l'élucidation de l'identité de celui à qui l'on doit sa mise en ligne pendant l'été 2007 – si j'en crois son blog, OMIGAR aurait bien qu'autres chats à fouetter en ce moment que d'enrichir encore ce fonds dont je vous livre la porte d'entrée :


Son utilisation est on ne peut plus simple : en trois clics (voir illustration ci-dessus), on accède à une édition en caractères non simplifiés d'ouvrages difficiles à trouver en librairie et rares en bibliothèque. Pour l'exemple, j'ai retenu le Dengcao heshang zhuan 燈草和尚傳 (Moine Mèche de Lampe) cher à mon cœur ! Les œuvres sont classées par ordre alphabétique de la transcription pinyin. En voici (impasse faite sur des choix de poésies), la liste complète :
《八段錦》 , 《百花野史(百花魁)》 ,《伴花眠》 ,《碧玉樓》,《弁而釵》,《別有香》 ,《痴婆子傳》 ,《春燈謎史》,《痴嬌麗》 ,《酬鸞鳳》 ,《春閨秘史》 ,《春夢瑣言》 ,《春染繡塌》,《春透海棠》,《春又春(花裡蝶)》 ,.《燈草和尚》,《搗玉台》 ,《燈月緣》,《第一美女傳》 ,《斷珠蕊》,《飛燕外傳》,《風流和尚》,《風流樂趣》,《風流媚》,《風流悟》 ,《風月夢》,《閨艷秦聲》,《姑妄言》,《漢宮春色》 ,《河間婦傳》 ,《海陵佚史》,《金海陵縱欲亡身》 ,《雜事秘辛》 ,《海棠鬧春》 ,《後庭花》 ,《花放春》 ,《畫眉緣》 ,《花蔭露》 ,《花飛香》 ,《換夫妻》 ,《歡喜浪史》,《歡喜緣》,《歡喜冤家》,《金海陵縱欲亡身》,《海陵佚史》 ,《金瓶梅》,《續金瓶梅》,《二續金瓶梅》,《三續金瓶梅》 ,《錦繡衣》, 《控鶴監秘記》 ,《空空幻》 , 《浪蝶偷香》,《浪史》,《兩肉緣》 ,《龍陽逸史》 ,《露春紅》,《濃情快史》,《寐春卷》 ,《美婦人》 ,《 濃情快史》,《鬧花叢》,《濃情秘史》 ,《情海緣》 ,《巧緣艷史》, 《肉蒲團》,《如意君傳》, 《三山秘記》,《僧尼孽海》 ,《山水情》 ,《蜃樓志全傳》 ,《雙合歡》 , 《桃花庵》 , 《杏花天》 ,《繡榻野史》 , 《雜事秘辛》 ,《趙飛燕別傳》,《株林野史》.
On a donc accès à un ensemble de 78 textes couvrant le large éventail des formats pris par l'érotisme romanesque chinois, de la miniature rustique et burlesque comme le désopilant Fengliu lequ, au monumental et majestueux Guwangyan 姑妄言 (10 volumes de la collection « Siwuxie huibao » 思無邪匯寶 !). On a même droit à quelques bonus comme un texte critique du professeur Wang Yongjian 王永健 (Université de Suzhou) (« Guwangyan xing miaoxie pingyi » 《姑妄言》性描寫評議 ), paru dans le 65ème tome de l'excellence revue spécialisée sur le roman chinois ancien, Ming Qing xiaoshuo yanjiu 明清小說研究 (2002-3, pp. 217-220), revue qui en est, en ce début d'année, à sa 91ème livraison (2009-1) -- le premier volume a vu le jour en 1985 ; il en sera question ici dans un avenir que je souhaite proche. (P.K.)

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