mercredi 14 octobre 2009

La Grande Messe des livres de Francfort

C'est hier 14 octobre vers 18 h que s'est ouvert le salon du livre de Francfort, la « Frankfurter Buchmesse 2009 » dont l'invité d'honneur est la Chine. Une cérémonie très protocolaire d'une heure et demie en présence d'Angela Merkel et de l'ambassadeur de Chine a permis à deux écrivains chinois de monter à la tribune. Il s'agit de Tie Ning 铁凝, en qualité de présidente de la National Writers Association, et du plus en vue des auteurs chinois de ce début de XXIe siècle, Mo Yan 莫言, romancier bien connu des lecteurs de ce blog.

Pour avoir suivi quasiment en direct cette Eröffnung ponctuée par les interventions d'un orchestre de jazz, et qui est toujours visible en ligne, je sais que chacun d'entre eux s'est exprimé une dizaine de minutes : Mo Yan, à la quarantième minute, Tie Ning, immédiatement après. Malheureusement, le doublage en allemand occulte complètement la voix des orateurs qui s'exprimaient dans leur langue. Il me semble néanmoins, que l'un et l'autre ont fait assaut d'érudition pour tisser des liens entre le meilleur de la littérature et de la culture allemandes et la Chine. Il y fut naturellement question, avec Mo Yan notamment, de Gœthe (1749-1832) et de la Weltliteratur.

Mo Yan et Tie Ning ne seront, bien évidemment, pas les seuls représentants de la dynamique scène littéraire chinoise, scène envisagée dans toutes ses dimensions, bien que, et personne ne s'en étonnera, la littérature taïwanaise ne soit représentée « officiellement » (?) que par Lan Pochou (romancier, historien de la littérature-reporter) et l'intellectuel Kung Peng-cheng 龔鵬程 ; la littérature de Hong Kong est aussi présente par l'entremise de Zhou Mimi et de Cai Yihuai (alias Nan Shan) ; Macao grâce à Wong Man Fai. Les autres auteurs présents pendant la Buchmesse sont, me semble-t-il, tous du continent (ou de ses marges comme le poète-romancier d'origine tibétaine Alai ). Certains sont fort connus, comme Wang Meng 王蒙, Liu Zhenyun 刘震云, Yu Hua , Su Tong 苏童 ; d'autres pas ou beaucoup moins chez nous : Ye Yanbin 叶延, Yang Hongying 杨红缨, Li Er 李洱, Chen Ran 陈染, He Shen 何申, Dong Xi 东西, Zhao Benfu 赵本夫, Tian Er 田耳, Ge Shuiping 葛水平, Fan Xiaoqing 范小青, Li Jingze 李敬, Xu Zechen 则臣, Li Jie 励婕 (alias Annie Baobei 安妮宝), Xu Yigua 须一瓜, ou encore Jing Yongming 荆永. [Pour des détails sur les auteurs, voir ici]

Le site dédié à l'événement est très complet en allemand et en anglais, et offre l'accès à un sous-site dévolu à l'invité d'honneur lequel a son pendant chinois : il est donc aisé de prendre connaissance de la diversité des activités et des nombreuses manifestations qui vont rythmer les quatre jours de la Foire.

On y trouvera également d'intéressants documents dont on pourra tirer profit plus tard à tête reposée, comme un catalogue de 68 pages répertoriant les traductions allemandes de littérature chinoise. Ce « China: Deutschsprachige Neuerscheinungen 2009 » donne une idée de l'image que nos voisins peuvent se faire dans leur langue de la littérature chinoise d'hier et d'aujourd'hui. Le tableau est néanmoins un peu brouillé dans la mesure où l'on y trouve même des œuvres de François Cheng et de Dai Sijie dont des productions composées, si je ne m'abuse, en français ! On voit aussi que les éditeurs allemands sont loin d'être unanimes dans leur choix des transcriptions à soumettre à leurs lecteurs. Un exemple : Tsau Hsüä-tjin pour Cao Xueqin 曹雪芹 ; l'ordre patronyme-prénom est souvent bousculé : Ouyang Xiu 欧阳修 y perd la boussole en devenant Xiu Ouyang ; le Confucius de Prospero Intorcetta (1625-1696) déduit du Kongfuzi 孔夫子 classique s'efface devant un Konfuzius dont la déclinaison donne un plaisant Konfuzianismus. Mais là n'est pas la seule référence au saint-sage de l'Antiquité chinoise puisqu'on peut lire dans la langue de Schiller [à peine un mois plus tôt qu'ici, voir Le bonheur selon Confucius : Petit manuel de sagesse universelle. Belfond] l'indigeste bouillie des idées du Maître par excellence réalisée par Yu Dan 于丹 (Konfuzius im Herzen. Alte Weisheit für die moderne Welt, Droemer) laquelle fait partie avec le pianiste Lang Lang et bien d'autres des « Famous Chinese at the Frankfurt Book Fair »

Quoi qu'en disent certains observateurs chagrins se désolant du manque d'intérêt de ses compatriotes pour la chose chinoise, il n'en reste pas moins que nos si proches amis vont redoubler d'efforts pour mieux faire connaître la littérature chinoise à leurs contemporains : quelque 120 éditeurs allemands ont ainsi annoncé des publications allant dans ce sens dont pas moins de 44 romans ! Ce genre est sans aucun doute le vecteur idéal pour faire passer quelque chose d'une culture dans une autre. Nous en sommes à ce point convaincus que, modestement, nous allons consacrer la fin de cette semaine à un genre qui a encore un brillant avenir et un rôle certain à jouer dans la communion des cultures : Gœthe avait donc raison. (P.K.)

3 commentaires:

Bertrand Mialaret a dit…

Merci de cet article; pour compléter, on peut lire un papier en anglais du 13/10 "China the unwelcome guest" du www.spiegel.de/international/world
intéressant malgré un petit ton de supériorité et qui nous apprend que Yan Lianke n'a pas été admis dans la délégation officielle.Pas vraiment une surprise mais une chance pour nous car il sera en France à l'occasion de la sortie de son prochain roman "Bons baisers de Lenine" chez P. Picquier.
Une rencontre est prévue à Paris à la Librairie Le Phenix le Mercredi 21/10 à 18 heures.

Pierre Kaser a dit…

Merci pour ce commentaire. Je prendrai naturellement le temps d'annoncer cette intéressante visite de l'absent le plus fameux de la liste des invités de la Buchmesse...

Pierre Kaser a dit…

Un grand merci à Laurent Vignaux pour m'avoir signalé cette nouvelle concernant Long Yingtai 龍應台 publiée Mercredi 21 octobre 2009 sur le site TaiwanInfo :

Le nouveau livre de Long Ying-tai fait forte impression à Francfort

Wide Rivers and Seas, Untold Stories of 1949, le dernier livre de l’essayiste taiwanaise Long Ying-tai, qui raconte la défaite du Kuomintang face aux communistes et l’installation de la République de Chine à Taiwan, vues par des gens ordinaires, a reçu un excellent accueil à la Foire du livre de Francfort qui s’est achevée dimanche. Dans sa critique, le Neue Zürcher Zeitung, l’un des principaux quotidiens suisses, a appelé la Chine à prendre modèle sur Taiwan et à se confronter au passé. Der Spiegel a pour sa part qualifié l’ouvrage de plus important livre en chinois depuis des dizaines d’années.
(http://taiwaninfo.nat.gov.tw/ct.asp?xItem=71044&ctNode=467&htx_TRCategory=&mp=4)