vendredi 2 octobre 2009

Et, pourquoi pas, la sinologie

Il a peu, mais c’était déjà trop tard pour que je m’empresse de vous en faire part, je découvrais (sur Fabula) un appel à contribution courant jusqu’au 15 septembre dernier pour le colloque international « Traits chinois, lignes francophones » qui se tiendra les 19 et 20 février 2010 à l'université Queen's de Belfast, et portera sur les artistes et écrivains francophones d'origine chinoise : « Inspiré par le travail pluridisciplinaire de Gao Xingjian, ce colloque examinera des dimensions variées de la créativité sino-française. La présence de Gao favorisera la constitution d'un pôle de contributions autour de son œuvre, mais le colloque sera ouvert à l'ensemble des Chinois qui ont choisi le monde francophone pour vivre et pour créer. Depuis les anarchistes des années 1910 qui venaient en France dans le cadre du projet "Travail Etudes", puis de l'Institut Franco-chinois de Lyon, jusqu'aux dissidents venus chercher un asile politique, et jusqu'aux jeunes créateurs d'aujourd'hui qui choisissent le français comme moyen d'expression, sur internet ou sur papier, le domaine de recherche est vaste. Certains ont connu des distinctions exceptionnelles (prix littéraires, académie des beaux-arts, académie française, succès populaires), et pourtant la recherche universitaire n'a pas encore suffisamment approfondi leurs œuvres. »

Le sujet est, à défaut d’être original, intéressant et ne manquera pas de retenir l’attention d’une foule de chercheurs venant du monde entier. Mais, si je vous en parle, c’est surtout à cause de la formulation peu heureuse qui conclut la dernière phrase de l’appel à contribution. Cette phrase la voici : « Nous serions heureux d'accueillir des propositions émanant de disciplines aussi variées que les lettres, l'histoire, l'histoire des arts, la sociologie, la philosophie, et, pourquoi pas, la sinologie. »

« Et, pourquoi pas, la sinologie » ! Certes, il y a longtemps que la Chine a échappé, et c’est tant mieux, au monopole des sinologues et que, ce qui est moins bien, dans bien des domaines ceux-ci ne sont plus aussi bien accueillis que par le passé ; mais n’oublie-t-on pas un peu vite, qu’en théorie au moins - mais cela aussi est de moins en moins souvent vrai -, la traduction et la présentation dans notre langue des œuvres que produit la Chine artistique et savante nécessitent l’entremise de spécialistes de la langue et de la culture chinoises, et que, pour en rester au sujet présent, avant de choisir « le monde francophone pour vivre et pour créer », ces Chinois ont grandi, vécu, écris, peint, aimé, souffert en terre chinoise et donc en chinois ... et ne se prive pas de continuer à le faire ?


Passer ce trait d’humeur, je voudrais formuler à mon tour une interrogation : « Et pourquoi la sinologie ne redeviendrait-elle pas, touchant les affaires chinoises, une branche aussi indispensable que les autres grands champs de l’activité intellectuelle ? » Gageons que cette question et celles qui en découlent seront abordées lors des deux jours pendant lesquels se tiendront, à Paris, les prochaines Assises des études chinoises ; ce sera les 13 et 14 novembre 2009 (Université Paris Diderot, 15, rue Hélène Brion, XIIIe arr.). Souhaitons que les interventions des quelque 25 orateurs qui prendront la parole dans l’Amphithéâtre Buffon ouvrent de nouvelles perspectives à la sinologie française de ce début de siècle et tordent le coup à quelques mauvaises idées reçues. Noël Dutrait y portera notre voix dans une présentation des activités de notre équipe. Il y croisera des habitués de nos rencontres studieuses (Zhang Yinde, Philippe Postel) et bien d’autres, jeunes et moins jeunes savants réunis sous l’emblème d’une interrogation derrière laquelle transpire une sourde inquiétude : « La sinologie introuvable ? »

L’Association Française d’Etudes chinoises, organisatrice de l’événement, a déjà, j’y avais fait référence sur ce blog, diffusé l’argument de la réunion et mettra prochainement en ligne par le même canal - http://www.afec-en-ligne.org/, rubrique « Colloque 2009 » -, le détail des communications à venir et le programme de ces deux journées qui devraient faire date et pour lesquelles vous êtes prié de vous inscrire au préalable. Et pourquoi n’iriez-vous pas ? (P.K.)

dimanche 27 septembre 2009

L'Asie des Ecritures croisées (01)

Voici, en avant-première et dans le même envoi, de quoi vous faire trépigner d'impatience et vous rendre l'attente du 15 octobre insupportable : ce sont, d'une part, l'affiche (ci-dessus), d'autre part, l'éditorial (ci-dessous) de la prochaine Fête du livre (Aix-en-Provence, 15-18 octobre), dont il a été déjà question sur ce blog. Intitulée « L’Asie des Ecritures croisées, un vrai roman », elle aura pour objet les littératures qui sont chères à l'Equipe Littérature d'Extrême-Orient, textes et traduction qui tiendra colloque les 15 et 16 octobre. Ce blog vous fera vivre les différents moments forts de cet événement qui va favoriser les rencontres entre un public de plus en plus exigeant et une littérature en plein essor, et profitera des jours qui restent avant son lancement pour vous indiquer les rendez-vous à ne pas manquer.
L’écriture romanesque japonaise a été découverte en Occident depuis fort longtemps grâce aux traductions des oeuvres de Mishima, Kawabata, Inoue et bien d’autres ; le prix Nobel de littérature a couronné en 1968 Kawabata Yasunari et en 1994 Ôe Kenzaburô. Puis, en 2000, c’était Gao Xingjian qui recevait le premier prix Nobel décerné à un écrivain de langue chinoise. Les littératures des autres pays d’Asie restaient encore peu connues. Ce n’est plus le cas avec l’arrivée sur la scène littéraire mondiale de très nombreux écrivains de Chine, du Japon, de Corée, du Vietnam, de Thaïlande… Cette création littéraire foisonnante s’inscrit à la fois dans la dynamique politique, économique et sociale de cette région du monde en pleine mutation, et dans la riche tradition culturelle de chacun de ces pays. Ces voix de plus en plus fortes qui affirment l’importance du genre romanesque, entre tradition, modernité et postmodernité, ne sont-elles pas en train de déplacer vers l’Asie le centre du monde littéraire jusque-là situé dans la vieille Europe ? Dans des pays où la littérature occupe depuis des siècles une place importante, des écrivains audacieux, confirmés ou à leurs débuts, largement ouverts aux courants occidentaux, explorent aujourd’hui tous les chemins de l’écriture. Grâce aux traductions plus nombreuses, ils commencent à être mieux connus et nous offrent des oeuvres novatrices, parfois déroutantes, qui font voler en éclats bien des idées reçues et des stéréotypes sur un Extrême-Orient exotique, mystérieux, fantasmé. L’Asie que nous font découvrir les écrivains qui sont invités à Aix cette année pour la Fête du Livre est bien réelle, vivante, et proche de nous. Avec eux, Les Écritures Croisées poursuivent leur tour du monde des littératures et de leurs grandes voix – tour du monde commencé il y a plus de vingt ans… Un vrai roman !

Les Écritures Croisées
(Extrait du catalogue de 32 pages pour paraître prochainement, p. 6)