dimanche 10 janvier 2010

Les 70 ans de Gao Xingjian

Nous l’avions annoncé, les amis de Gao Xingjian se sont souvenus que celui-ci est né le 4 janvier 1940 à Ganzhou dans la province du Jiangxi. L’écrivain Ma Jian et le poète Yang Lian, qui résident à Londres, ont organisé au Centre of Chinese Studies de la SOAS deux journées autour du premier écrivain de langue chinoise lauréat du prix Nobel, sur le thème « Realms of the Spirit in Gao Xingjian’s Literature and Art ».

Gao Xingjian lui-même avait accepté l’invitation et ces deux journées se sont déroulées dans une capitale britannique glaciale, mais aussi dans une atmosphère de chaude amitié et d’échanges fructueux. Ce fut l’occasion de voir ou de revoir dans le Brunei Gallery Lecture Theatre de la SOAS le film de Gao Xingjian, Après le déluge, puis La Silhouette sinon l’ombre et enfin l’enregistrement vidéo de La Neige en août dans la mise en scène que Gao Xingjian avait dirigée à Taibei en 2002. Enfin, une lecture par trois comédiens dirigés par Stephen Watts a été donnée de l’œuvre la plus récente de Gao dans la traduction anglaise de Claire Conceison, Ballade Nocturne.

Le premier jour, un symposium a réuni cinq intervenants qui ont livré une analyse au sujet des diverses facettes du maître, pour en montrer l’esprit unique qui en émane. Après que la sinologue Mary Massilli eut livré une étude très éclairante sur son théâtre, je me suis attaché à revenir sur l’histoire de la traduction de Lingshan 灵山 en expliquant à quel point l’intérêt que j’ai porté à ce roman dès que j’en ai lu les premières pages m’avait poussé à le traduire avec Liliane Dutrait, malgré les immenses difficultés que nous avions à trouver un éditeur. J’ai essayé, à travers quelques exemples, de montrer que nous avions cherché à rendre la « musique de la langue » si chère à l’auteur. Puis Chen Maiping a montré en quoi l’œuvre de Gao Xingjian devait être appréhendée comme un tout, sans avoir à se demander s’il s’agit d’une œuvre chinoise ou occidentale, d’une œuvre moderne ou post-moderne… Pour Chen Maiping, Gao Xingjian a commencé à emprunter sa propre voie là ou d’autres s’étaient arrêtés. Et il a déploré une nouvelle fois que le nom de Gao Xingjian soit officiellement passé sous silence par les autorités de Chine continentale alors que selon lui, l’anniversaire des 70 ans de l’artiste devrait faire la une des journaux chinois. Enfin, Chen Maiping a bien défini comment Gao Xingjian avait décidé de partir en exil et d’agir en individu isolé quand il avait compris que l’action collective n’aurait aucune utilité pour faire changer le régime qui opprimait sans cesse les intellectuels et les artistes. En agissant seul et en obtenant la récompense suprême que représente le Prix Nobel, Gao Xingjian a montré de manière éclatante à quel point la seule force spirituelle d’un individu pouvait parvenir à gravir les plus hautes montagnes. Enfin, l’écrivain Ma Jian, l’auteur de Chemins de poussière rouge et de Beijing Coma, compagnon de route de Gao Xingjian depuis le début des années 1980, a rappelé l’itinéraire de son ami et a montré à quel point son extraordinaire travail avait signé l’échec de la dictature de Chine continentale dans sa tentative d’étranglement de la pensée artistique.


Enfin, tout au long de ces deux journées qui ont attiré une nombreuse assistance, Gao Xingjian a répondu aux questions du public et a participé aux débats sur son œuvre. Il a rappelé sa position inébranlable d’artiste totalement indépendant, attaché à faire aboutir ses projets artistiques polymorphes, infatigablement.


Bon anniversaire Monsieur Gao !


PS : Bertrand Mialaret de Rue 89 a fait spécialement le déplacement à Londres et devrait rendre compte ces journées prochainement. On peut aussi se rendre sur le site de la BBC pour écouter une très intéressante interview de Gao Xingjian en chinois.


Noël Dutrait.

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