jeudi 28 janvier 2010

L'arbre à palabres version chinoise...

Il a plus de deux ans, dans un précédent billet, nous annoncions la sortie du cinquième tome de l'Inventaire analytique et critique du conte chinois en langue vulgaire, publié en 2006 par le Collège de France et l'Institut des Hautes Etudes Chinoises (ici). Ce tome analysait pas moins de 85 contes tirés de cinq recueils différents, au rang desquels figurait le Doupeng xianhua 豆棚閒話, ou Propos oisifs sous la tonnelle aux haricots (1681 ?).


Attribué à un certain Aina Jushi 艾衲居士, l'ouvrage contient douze histoires plus ou moins extraordinaires qui traitent des thèmes de l'honnêteté, de la reconnaissance, des courants de pensée bouddiste et confucianiste, ou encore des légendes antiques. Seul le premier récit, intitulé « Le Gué de la femme jalouse », était alors disponible en traduction ( par Yenna Wu dans le n° 44 de la revue Renditions sous le titre « Jie Zhitui Traps His Jealous Wife In An Inferno »).


Nous sommes heureux d'annoncer aujourd'hui la publication dans la Collection « Connaissance de l'Orient » (chez Gallimard) de la traduction française intégrale du recueil par Claire Lebeaupin. La préface même de Aina Jushi invite aux conversations faussement oisives et très sûrement rafraîchissantes (trad. p. 36) :

Oisif et libre au couchant, dans une chaumière...

Mais où trouver la fraîcheur, sous un ciel brûlant ?

Quand vient le sixième mois, mon étang s'assèche

Et mes arbres de trois ans ne sont pas bien grands.

J'ai planté des haricots pour me faire une ombre

Qui vaut tous les pavillons... Et comme elle sent !

Dans le vent du soir, un vieux riverain du Sud

Répond aux cigales : ils parlent du jour finissant.

Libre en effet au lecteur d'appréhender les histoires à sa guise, soit en les considérant comme des pièces divertissantes dans la pure tradition des conteurs traditionnels des siècles passés, soit en les interprétant de différentes manières pour voir derrière la simple narration des motivations plus profondes :

Un été près de Hangzhou... Un homme seul, cloîtré dans sa retraite campagnarde, assis à sa fenêtre nord, se livre à une activité rafraîchissante : il écrit. Pas un traité philosophique, non ; pas de la poésie ; pas davantage un Mémoire pour servir la chronique du règne achevé en cataclysme un quart de siècle plus tôt : il y risquerait sa tête, dans ces années 1660 où la censure de la nouvelle dynastie mandchoue veille de près à l'ordre moral et scripturaire. II travaille donc à détourner la forme si populaire, si peu considérée, du recueil de contes pour s'en faire une parfaite couverture.

Il invente une tonnelle où grimpent des haricots et sous laquelle les villageois viennent se retrouver l'après-midi au frais, après leur journée de travail. Jeunes et vieux s'y installent sur une natte posée à même le sol ou sur de petits bancs, l'éventail à la main, pour écouter, raconter, donner leur avis à tour de rôle. Le cercle des causeurs met les ressources de chacun à contribution : les récits font assaut d'originalité, les points de vue s'affrontent. Les cadavres de la mémoire collective se faufilent hors du placard pour entamer dans l'ombre verte de la tonnelle une danse carnavalesque tour à tour féroce, légère et poignante. Les clichés marchent sur la tête, les icônes bien-pensantes sont retournées comme des gants. La circulation des idées fait lever un vent qui court d'un bout à l'autre du texte et passe en bruissant à travers le tressage des mots pour parvenir jusqu'à nous. Dans l'espace poétique qu'il s'invente, lieu rêvé d'une liberté précaire qui est d'abord une liberté de parole, ce petit livre met en scène des interrogations sur le sens de l'Histoire, sur la fonction des idéologies, sur l'impossible et nécessaire transmission des valeurs auxquelles il ne semble pas que nous ayons, depuis ou ailleurs, trouvé de réponses. Le « Dodécaméron chinois » comme l'a surnommé André Lévy, est un livre hanté. Et un bien curieux trésor, qui n'a pas fini de surprendre. (quatrième de couverture)

Que le lecteur se laisse donc « surprendre » par ces propos oisifs, en souhaitant que paraissent par la suite en français d'autres recueils de contes chinois en langue vulgaire, qui raviront tous les amateurs du genre, et qui viendront grossir les rangs des traductions déjà disponibles. Il reste encore beaucoup à faire, mais après tout : « C'est haricot par haricot que se remplit le sac ! » (S.C.)

mercredi 27 janvier 2010

Gao au Musée Würth


Cela se passera le mardi 2 février à 20 h : « le Musée Würth France Erstein accueille l’artiste peintre, écrivain, cinéaste Gao Xingjian et son ami Noël Dutrait, universitaire, spécialiste de littérature chinoise et traducteur français de ses romans pour une soirée de rencontre autour de l'œuvre littéraire de l’artiste ». Une séance de dédicaces se tiendra à l'issue de la rencontre.


« Le Musée Würth France Erstein a ouvert ses portes en janvier 2008 à côté du siège social de l’entreprise Würth France, dans la zone industrielle ouest à Erstein en Alsace. Il est destiné à la diffusion en France de la collection Würth, l’une des plus importantes collections d’entreprise d’art moderne et contemporain en Europe » .