vendredi 2 juillet 2010

Bangkok en fiction

(Bangkok. Source Google Maps)

Déjà signalée sur le site du Réseau-Asie, la sortie du livre de Louise Pichard-Bertaux est un événement que je suis heureux de relayer à mon tour.

Les habitués des travaux de notre équipe connaissent déjà cette spécialiste de la littérature thaïe qui livrait il y a peu une traduction d’une œuvre de Chart Korbjitti dans le premier numéro de notre revue en ligne Impressions d’Extrême-Orient.

Dans Ecrire Bangkok. La ville dans la nouvelle contemporaine en Thaïlande, Louise Pichard-Bertaux nous en offre dix fois plus, et plus encore :
« Ce livre est composé de deux parties : la première, « le livre et la ville », traite des aspects théoriques et analyse les textes, alors que la seconde, « les auteurs et leurs nouvelles », donne la biographie des cinq écrivains retenus et, pour la première fois, la traduction en français par l’auteur des dix nouvelles choisies, en texte intégral. Le lecteur peut donc commencer par les traductions ou ne s’y plonger qu’après en avoir lu l’analyse proposée. Selon ses centres d’intérêt personnels, il pourra ainsi décider de son approche.»
L’ouvrage de la « diplômée de l’INALCO en thaï et en birman, docteur en langues et littératures orientales, [qui] a vécu quatre ans à Bangkok où elle a enseigné le français [, et qui] depuis plus de vingt-cinq ans, parcourt cette ville dans tous ses recoins secrets, s’y perdant avec délices », a intégré « en 1994 le Centre national de la recherche scientifique comme ingénieur de recherche, et dirige aujourd’hui la bibliothèque « Asie du Sud-Est » de la Maison Asie-Pacifique (CNRS & Université de Provence), à Marseille », porte une préface de Jean Baffie, sociologue spécialiste de la Thaïlande, directeur de la Maison Asie-Pacifique (Marseille, CNRS et Université de Provence)

Il sort dans la collection « Sources d'Asie » dirigée par Pierre Le Roux et Bernard Sellatoaux Editions Connaissances et Savoirs (Paris).

On est bien entendu impatient de lire les 380 pages que cette chercheur associée à l’Institut de recherche sur le Sud-Est asiatique et à l’équipe LEO2T « Littératures d’Extrême-Orient : textes et traduction » (Université de Provence) a consacré à une littérature aussi surprenante qu’attachante.


Je profite de l’occasion pour vous signaler la tenue du « 2010 International Burma Studies Conference. Burma in the Era of Globalization » à l'Université de Provence, centre St Charles, Marseille, du 6 au 9 juillet. Pour prendre la mesure de l’événement qui se prépare, je vous invite à consulter le site qui lui est consacré. Il y sera, bien entendu, question également de littérature [voir ici, « Panel 24 »]. Souhaitons que Louise Pichard-Bertaux, qui collabore activement à l'organisation de cette manifestation, trouve d’ici la rentrée le temps de nous rendre compte de l’effervescence suscitée par un pays, la Birmanie, sur lequel nous savons encore si peu. (P.K.)

jeudi 1 juillet 2010

Renards et renardes à l'honneur

Créature vulpine à neuf queues
(Yuan Ke 袁珂, Shanhai jing jiaozhu. 山海經校注 Shanghai, Shanghai guji, 1986)

Henri Doré (1859-1931) dont on peut lire en ligne le Manuel des superstitions chinoises (1926) grâce à Pierre Palpant, est également l'auteur de Recherches sur les superstitions en Chine, somme en 18 volumes parus à Shanghai entre 1911 et 1938, que les Editions You Feng ont eu la bonne idée de rééditer voici 15 ans en lui ajoutant un index fort utile. Dans un de ses nombreux chapitres consacrés aux pratiques superstitieuses et qui traite des « Diables renards. Hou-li-tsing 狐狸精 » [vol. 4, pp. 461-465], le père jésuite écrit :
« Les païens prétendent que le diable, sous la figure d'un Hou-li 狐狸 renard, monstre mi-belette et mi-renard, apparaît très fréquemment dans leurs maisons. Cet animal mystérieux est, disent-ils, plus gros que la belette ordinaire, il a des oreilles d'homme, monte sur les toits, se promène sur les poutres, et jette la terreur dans les familles. Le jour il est invisible, c'est la nuit qu'il exécute ses mauvais tours. On redoute beaucoup cet animal diabolique, et les familles païennes dépensent de grosses sommes à faire mille superstitions pour se mettre à couvert de ses malversations. » (p. 461)
C'est à cette créature qui faisait encore trembler dans les campagnes chinoises au début du siècle précédent, que Solange Cruveillé a consacré une thèse dont il a déjà été question dans ce blog et qui lui a valu de recevoir le vendredi 18 juin dernier le Prix de thèse accordé par l'Association Française d'Etudes chinoises.

(M. Lu Ching-long, Solange Cruveillé, Gilles Guiheux)

Voici pour ceux qui, comme moi, n'ont pu assisté à la cérémonie le court discours prononcé par Solange avant de recevoir ce prix entièrement mérité :
« Le renard est un animal à la charge symbolique très forte dans de nombreuses cultures et littératures à travers le monde, et à mon humble avis - après plusieurs années de recherche sur le sujet - en Chine plus qu'ailleurs, ce qui pousse les sinologues actuels à parler d'une véritable « culture vulpine » en Chine. C'est donc un sujet qui méritait bien un petit travail de 500 pages...

L'histoire du renard dans les textes chinois est une histoire vieille de plus de 2500 ans, qui remonte donc à l'époque pré-impériale : de simple animal offrant chaleur et prestige à l'homme par sa fourrure, servant à l'interprétation des augures et à l'illustration d'idées philosophiques, il devient au fil des siècles une créature légendaire anthropophage puis un démon, notamment sous l'influence des alchimistes et des taoïstes, donnant lieu sous le premier millénaire de notre ère à d'innombrables récits de forme zhiguai, présentés pour une grande partie dans le Taiping guangji, ou Vaste recueil de l'ère de la Grande Paix, d'époque Song. Et j'en profite pour remercier, plus de 1000 ans plus tard, tous ces lettrés courageux qui ont couché par écrit les contes et légendes d'époque, ce qui a permis à cette riche culture de parvenir jusqu'à nous...

C'est l'apparition également du personnage de l'esprit-renard, un être doté du don de métamorphose, en quête d'immortalité et profondément intelligent. Sous la dynastie des Tang, la vénération se mêle à la crainte et on assiste à la naissance du culte en la divinité renard, culte considéré comme subversif et dangereux pour le pouvoir politique en place. Les histoires et les personnages de renards se diversifient pour donner naissance à de grands récits restés célèbres, jusqu'à la dynastie des Qing, où des écrivains comme Pu Songling et Ji Yun vont porter à son apogée l'art des contes vulpins et où le personnage séduisant de la renarde va prendre son envol. Le renard de ces contes et fictions s'humanise, jusqu'à devenir le masque de l'être humain, de la société et de ses préoccupations.

Vaste programme donc, résumé ici en quelques lignes, que l'Histoire du renard dans les textes chinois, de l'époque pré-impériale à la fin de la dynastie des Qing, de la démonisation à l'humanisation, de la légende à la fiction. Un long travail de recherche, de sélection, de traduction, d'analyse et d'interprétation, effectué selon une double optique diachronique et thématique, poursuivi sur plusieurs années,... mais qui mériterait encore d'être poursuivi et complété. Un travail réalisé avec le souci constant de mettre en avant la complexité et la nature ambivalente du renard dans la tradition et dans l'imaginaire chinois, un renard qui, pour reprendre les termes de Zhang Yinde, exerce sur l'homme « le double pouvoir de terreur et de fascination, si bien que l'homme vacille entre la diabolisation et la divinisation, entre le rejet et l'identification ».

C'est un sujet qui me tient à cœur depuis presque dix ans : il m'a accompagnée durant mon année de Maîtrise à l'Université de Provence, où j'ai pu « entrer en contact » avec le personnage de l'esprit-renard ; durant mon année d'étude à l'Ecole Normale de Beijing – Beijing shifan daxue - où j'ai pu trouver de nombreuses sources chinoises ; durant mon année de Master à l'Institut des Langues Etrangères de Xi'an – Xi'an waiguoyu xueyuan - où j'ai effectué une recherche sur le renard dans les expressions de la langue chinoise ancienne et moderne ; et enfin durant mes années de doctorat, toujours à l'Université de Provence, au cours desquelles j'ai écrit différents articles et participé à divers colloques pour partager le résultat de mes recherches, avec notamment un court compte-rendu dans le numéro XXVI d'Etudes Chinoises (2007).

J'ai donc essayé, tout au long de ma thèse, de transmettre au lecteur ma passion pour ce sujet de recherche, avec l'idée de revaloriser l'image du renard dans la tradition chinoise, pour lui redonner la place qu'il mérite et qui lui revient. C'est pour toutes ces raisons qu'en plus d'être honorée par l'attribution de ce prix, je suis également touchée, touchée que mon travail ait été reconnu mais surtout qu'il ait plu aux membres du jury qui ont eu la bienveillance de le lire.

Je remercie en conséquence l'Association Française d'Etudes Chinoises et son président M. Gilles Guiheux, pour ce prix de thèse qu'elle délivre chaque année, mais aussi pour sa grande contribution aux études chinoises. Je remercie le jury, qui a eu la lourde lâche de départager des thèses de qualité.

Je remercie M. Lu Ching-long, ambassadeur de Taipei en France, ainsi que M. Lee Shu-cheng, directeur du service culturel, pour la belle récompense qu'ils vont nous remettre... Je crois que c'est une belle façon de terminer ses études supérieures, et un bel encouragement pour poursuivre dans la voie de la recherche, ce que je tâcherai de faire en prenant mes nouvelles fonctions à l'Université Paul Valéry de Montpellier dès la rentrée prochaine.

Je remercie également mes professeurs, M. Pierre Kaser et M. Noël Dutrait, qui me suivent et m'accompagnent depuis plus de 10 ans, et qui ont su me transmettre leur goût de la culture chinoise en général, et de la littérature en particulier. Je crois qu'un bon étudiant n'est rien sans de bons professeurs.

Merci enfin à mes proches et amis, et tout particulièrement à mon conjoint, qui m'a supportée, dans tous les sens du terme, durant toutes mes années de doctorat.
Souhaitons à Solange une brillante carrière et, pour nous tous, qu'un éditeur offre une tribune à sa thèse qui, qualité rare, se lit comme un roman. (PK)

Complément du 24/07/10 - Lien vers un article en chinois sur la remise des prix paru sur http://times.hinet.net/ : 法國漢學研究多元開放 [中央社 / 2010/06/18] >> ici.

mardi 29 juin 2010

Gao, en haut, Mo, en bas

Encore une annonce, en attendant des billets au contenu plus riche, pour vous signaler deux rendez-vous : le premier en Normandie, le second en Aveyron.

Dans le cadre du Festival International de Cinéma de Vernon, « La Normandie et le Monde » qui se déroulera cette année du 1er au 4 juillet, sera projeté, Après le déluge de Gao Xingjian.

Cette projection aura lieu le vendredi 2 juillet, à 18h, au musée A.G.-Poulain de Vernon. Ce film, projeté dans le cadre de la thématique « L'Art et les artistes », sera accompagné d'un documentaire franco-polonais, Anton dans l'ombre de Julia Kowalski.


C’est le vendredi 20 août, à 10h45 précises que Noël Dutrait interviendra dans le cadre des Quinzièmes rencontres d'Aubrac, au cours d’une matinée consacrée au « Sentiment d’imposture » qui aura commencé 45 minutes plus tôt avec un échange entre Belinda Cannone, romancière, essayiste et Pierre Jourde, écrivain. Le thème abordé par le co-traducteur avec Liliane Dutrait des œuvres de Mo Yan est « Mo Yan, celui qui « ne parle pas »». Qu'on se le dise.

lundi 28 juin 2010

Keul Madang, le n° 6 est en ligne

Si vous êtes abonné à la lettre d'information de Keul Madang. La revue en ligne sur les littératures et les cultures de Corée, vous savez déjà que sa sixième livraison vient d'être mise en ligne.

Dans le cas contraire, rendez-vous vite ici pour découvrir le sommaire de ce n° 6 qui consacre un dossier à l'écrivain Lee Seung-u.

Sur l'auteur de La vie rêvée des plantes (Zulma), on pourra consulter la notice Wikipedia qui semble devoir tout aux maîtres d'œuvre de Keul Madang, Kim Hye-gyeong et Jean-Claude de Crescenzo.