mercredi 18 mai 2011

Miscellanées littéraires (002)

« A beggar and his baby in a basket in old China »
From a group of 1895-1935 hand-colored and black & white glass lantern slides of old pre-WW2 China (Galerie de Okinawa Soba sur http://www.flickr.com/)

Sans détour intempestif, voici la deuxième de nos « Miscellanées littéraires » ; elle concerne encore la Chine. Nous la devons à nouveau à Thomas Pogu qui l’a pêchée dans La Philosophie dans le boudoir (Gallimard, coll. « Folio classique », respectivement pp. 77-78 et p. 247) de Sade (2 juin 1740 - 2 décembre 1814). Les deux passages retenus proviennent respectivement du « Troisième dialogue » et du « Cinquième dialogue » qui est le pamphlet « Français, encore un effort si vous voulez être républicains » lu par Le Chevalier :
  1. Dolmancé : « Un des premiers vices de ce gouvernement consiste dans une population beaucoup trop nombreuse, et il s'en faut bien que de tels superflus soient des richesses pour l'État. Ces êtres surnuméraires sont comme des branches parasites qui, ne vivant qu'aux dépens du tronc, finissent toujours par l'exténuer. Le Chinois, plus sage que nous, se garde bien de se laisser dominer ainsi par une population trop abondante. Point d'asile pour les fruits trop honteux de sa débauche : on abandonne ces affreux résultats comme les suites d'une digestion. Point de maisons pour la pauvreté : on ne la connaît point en Chine. Là, tout le monde travaille : là, tout le monde est heureux ; rien n'altère l'énergie du pauvre, et chacun y peut dire, comme Néron : Quid est pauper ? »
  2. « Dans toutes les villes de la Chine, on trouve chaque matin une incroyable quantité d'enfants abandonnés dans les rues ; un tombereau les enlève à la pointe du jour, et on les jette dans une fosse ; souvent les accoucheuses elles-mêmes en débarrassent les mères, en étouffant aussitôt leurs fruits dans des cuves d'eau bouillante ou en les jetant dans la rivière. À Pékin, on les met dans de petites corbeilles de jonc que l'on abandonne sur les canaux ; on écume chaque jour ces canaux, et le célèbre voyageur Duhalde évalue à près de trente mille le nombre journalier qui s'enlève à chaque recherche. »
Qui aura la patience d’aller vérifier que Jean-Baptiste Du Halde (1674-1743), qui livra, en 1735, sa Description géographique, historique, chronologique, politique, et physique de l’empire de la Chine et de la Tartarie chinoise. (Paris, P. G. Lemercier) s’est effectivement exprimé de la sorte ? C’est, pour ceux qui en auront la curiosité et le temps, possible toujours grâce à Pierre Palpant qui a fourni de l'ouvrage une version en ligne sur son site « Chine ancienne », ici.

C’est de Du Halde que Voltaire écrivit en 1756 (Le Siècle de Louis XIV), « Quoiqu'il ne soit point sorti de Paris, et qu'il n'ait point su le chinois, [il] a donné, sur les mémoires de ses confrères, la plus ample et la meilleure description de l'empire de la Chine qu'on ait dans le monde ». On ira aussi puiser bien des informations dans La Preuve par la Chine : la Description de J.-B. Du Halde, jésuite, 1735, d’Isabelle Landry (Paris, Éditions de l'École des hautes études en sciences sociales, 2002).